Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Le joueur de l’OM Cengiz Ünder porte un maillot au flocage arc-en-ciel, lors d’un match de football entre l’Olympique de Marseille et Angers, le 14 mai 2023. © Philippe Magoni/Sipa

Polémique

Lutte contre l’homophobie : doit-on respecter les opinions comme on respecte les personnes ?

Frédéric Manzini publié le 17 mai 2023 4 min

Pour justifier leur refus de porter un maillot au flocage arc-en-ciel, en référence à la lutte contre l’homophobie, des footballeurs professionnels invoquent le « respect » de leurs croyances. Mais peut-on mettre ainsi sur le même plan respect des opinions et respect des individus ?


 

C’est le risque auquel s’exposent immanquablement toutes les instances qui, d’« en haut », prétendent imposer à tous leurs membres de s’afficher comme les défenseurs d’un combat qu’ils n’ont pas demandé, dans lequel ils ne se reconnaissent pas nécessairement et dont ils ne veulent pas faire la promotion. Profitant de la proximité avec la journée mondiale de lutte contre l’homophobie qui est célébrée jeudi 17 mai, la Ligue de football professionnel a demandé le week-end dernier aux joueurs de Ligue 1 et de Ligue 2 de porter un maillot floqué aux couleurs de l’arc-en-ciel. Si la grande majorité a accepté de le faire, quelques-uns n’ont pas voulu participer à cette initiative, ce qui a entraîné leur refus de jouer le match prévu.

Le respect comme valeur

La polémique n’a pas manqué d’éclater : s’agit-il d’homophobie, de courage de ses opinions, de refus d’hypocrisie ? Le footballeur toulousain Zakaria Aboukhlal s’est personnellement expliqué en publiant (en anglais) le communiqué suivant sur son compte Twitter :

“J’ai pris la décision de ne pas prendre part au match du jour. D’abord et avant tout, je tiens à souligner que j’ai la plus haute estime pour chaque individu, quels que soient ses préférences personnelles, son genre, sa religion ou son vécu. C’est un principe qui ne saurait être trop mis en avant.
Le respect est une valeur que j’estime beaucoup. Il s’étend aux autres mais comprend également le respect de mes propres croyances personnelles. Par conséquent, je ne crois pas être la personne la plus appropriée pour participer à cette campagne.
J’espère sincèrement que ma décision sera respectée, tout comme nous désirons tous être traités avec respect”

Zakaria Aboukhlal, sur son compte Twitter, le 14 mai 2023

D’apparence raisonnable et mesuré, ce communiqué du jeune sportif invite cependant à penser plus avant la notion de « respect » pour déterminer ce qui en est réellement digne et ce qui ne l’est pas. Car a-t-il raison de tout mettre sur le même plan ? Le respect dû aux croyances personnelles ou aux décisions est-il du même ordre que celui qui est dû aux personnes ?

Seules les personnes sont dignes de respect

Le principe d’une telle équivalence n’a rien de très évident. Pour Kant par exemple, le respect est un sentiment moral qui doit être réservé aux êtres humains et à eux seuls exclusivement parce qu’eux seuls sont des êtres libres et dignes :

“Le respect s’adresse toujours seulement à des personnes, jamais à des choses. Ces dernières peuvent susciter en nous de l’inclination et, en ce qui concerne les animaux (par exemple des chevaux, des chiens, etc.), même de l’amour, ou bien encore de la crainte, comme la mer, un volcan, une bête féroce, mais jamais du respect”

Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique (1788), Ire partie, livre I, chapitre 3, trad. fr. J.-P. Fussler

Attention à bien comprendre la thèse de Kant. Le philosophe ne nie pas que, par extension, nous soyons également amenés à respecter des choses, mais alors ces choses ne seront respectables que relativement à une (ou des) personne(s), non en elles-mêmes ou pour elles-mêmes. Quand, dans un jardin public par exemple, un panneau nous enjoint de « respecter la pelouse », ce n’est pas tant l’herbe en tant que telle que nous devons respecter que le travail des jardiniers et l’agrément des autres visiteurs.

Toutes les opinions sont-elles respectables ?

Qu’en est-il des opinions et des croyances personnelles de chacun ? Doivent-elles être respectées de manière inconditionnelle et sacrée comme le sont les êtres humains ? Évidemment pas puisqu’elles sont dissociables des individus qui les émettent, de la même manière qu’on peut séparer les personnes des actes qu’elles accomplissent – et qui méritent parfois d’être condamnés sans que cela entraîne un manque de respect pour la valeur des personnes en elles-mêmes.

Il faut même aller plus loin : poser un désaccord, dire à quelqu’un qu’il se trompe, essayer de le faire changer d’avis, c’est lui signifier qu’il ne nous est pas indifférent et qu’on se soucie réellement de lui et de ce qu’il estime vrai. L’irrespect qu’on montre alors à l’égard de ses erreurs et de ses fautes est la meilleure preuve qu’on le respecte en tant qu’être humain libre, capable de penser et de s’amender. La tolérance n’est pas toujours un sentiment noble quand elle revient à laisser l’autre se tromper ; elle témoigne même d’une certaine crainte face à la perspective d’une confrontation d’idées.

Le désaccord rationnel, signe de respect

Socrate, il y a 2 500 ans, ne s’en est pas laissé compter. Lui qui était si respectueux à certains égards n’a pourtant jamais épargné les opinions, les croyances et les actions de ses contemporains. Il n’a pas plus admis les positions de certains de ses interlocuteurs (comme celles de Calliclès dans le Gorgias ou celles de Thrasymaque dans La République) qu’il ne s’en est indigné, mais il les a combattues rationnellement et avec la plus grande énergie. Respecter quelqu’un, ce n’est donc pas nécessairement respecter ses décisions ou ses croyances. Cela exige de le considérer pour lui-même – jamais seulement comme un moyen mais aussi comme une fin en soi, affirme Kant dans les Fondements de la métaphysique des mœurs (1785).

Reste que la polémique est née d’une demande de la Ligue de Football professionnel, qui ne fait pas partie du contrat des footballeurs rétifs à porter ce maillot. La LFP a-t-elle agi moralement ou ne s’est-elle pas servi des footballeurs comme de purs moyens utilitaires, à des fins promotionnelles ou d’affichage ? De l’instance professionnelle ou des joueurs, le moins kantien des deux n’est peut-être pas celui qu’on croit.

Expresso : les parcours interactifs
L'étincelle du coup de foudre
Le coup de foudre est à la charnière entre le mythe et la réalité. Au fondement du discours amoureux, il est une expérience inaugurale, que l'on aime raconter et sublimer à l'envi.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
6 min
Wolfram Eilenberger : “La Super League, c’est le stade final et cynique du football”
Nils Markwardt 21 avril 2021

Alors que le projet de douze des meilleurs clubs européens de football d’une Super League semble prendre l’eau, suite à la protestation des…

Wolfram Eilenberger : “La Super League, c’est le stade final et cynique du football”

Article
4 min
Le Mondial, cirque de la violence ou arène cosmopolite ?
Martin Legros 03 octobre 2012

La Coupe du monde divise les intellectuels. Marc Perelman, philosophe et architecte, a publié avec Jean-Marie Brohm « Le Football, une peste…

Le Mondial, cirque de la violence ou arène cosmopolite ?

Article
4 min
Pourquoi l’homosexualité pose-t-elle problème à l’Église ?
Octave Larmagnac-Matheron 31 mai 2021

L’Église catholique a un problème avec l’homosexualité, difficile de ne pas le reconnaître. Encore récemment, une note de la Congrégation pour la…

Pourquoi l’homosexualité pose-t-elle problème à l’Église ?

Bac philo
3 min
L'art peut-il se passer de règles ?
17 mai 2013

L'art est, dans son sens le plus général, un ensemble de procédés visant un résultat pratique. On distingue son acception technique de son acception esthétique : l'art de l'ingénieur n'est pas celui de l'artiste qui s'adonne aux beaux…


Article
6 min
Les cinq règles d’or de la recherche
Alexandre Lacroix 23 février 2021

Derrière la polémique autour de l’enquête sur « l’islamo-gauchisme » et le post-colonialisme au sein de l’Université lancée par…

Les cinq règles d’or de la recherche

Entretien
9 min
Carmen Schröder : qu’est-ce qu’un sommeil réussi ?
Batiste Morisson, Caroline Pernes, 08 février 2023

Oui, l’insomnie est un problème de société ; non, les heures de sommeil avant minuit ne comptent pas double. Quant à la durée idéale, il n’y…

Carmen Schröder : qu’est-ce qu’un sommeil réussi ?

Article
5 min
Généalogie du hooliganisme
Arthur Hannoun 26 novembre 2021

Malgré les mesures prises depuis plusieurs décennies par les instances dirigeantes du football, les hooligans restent un fléau des stades de…

Généalogie du hooliganisme

Article
4 min
Faut-il tolérer l’intolérance ?
Danièle Hervieu-Léger 16 août 2017

Les démocraties peuvent-elles lutter contre l’intolérance sans enfreindre leurs principes ? La réponse de Karl Popper.  

Le “paradoxe de la tolérance” de Karl Popper expliqué simplement

À Lire aussi
Les croyances ramenées à la raison
Par Philippe Raynaud
février 2015
Abattoirs : faut-il cesser de manger de la viande pour respecter le droit animal ?
Abattoirs : faut-il cesser de manger de la viande pour respecter le droit animal ?
Par Cédric Enjalbert
avril 2016
Mondher Kilani : “La viande humaine artificielle, c’est l’idéal du cannibale sans retomber dans la sauvagerie”
Mondher Kilani : “La viande humaine artificielle, c’est l’idéal du cannibale sans retomber dans la sauvagerie”
Par Ariane Nicolas
décembre 2020
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Lutte contre l’homophobie : doit-on respecter les opinions comme on respecte les personnes ?
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse