Entretien

Lionel Naccache: “L’inconscient neuronal fait surgir des scénarios alternatifs”

Lionel Naccache, propos recueillis par Martin Legros publié le 6 min

Depuis une quinzaine d’années et grâce à l’imagerie médicale, la neurologie a fait de véritables bonds. Et même si elle est d’abord une école d’humilité, explique le chercheur Lionel Naccache, elle n’en lève pas moins un coin du voile sur le processus de l’illumination.

 

Comment observe-t-on l’activité du cerveau ?

Lionel Naccache : L’imagerie cérébrale (IRM fonctionnel, électroencéphalogramme, magnétoencéphalographie) nous permet de repérer de manière plus ou moins fine la dynamique d’activation des différentes régions du cerveau. À partir de ces mesures biologiques, il devient possible de suivre la « trajectoire cérébrale » des idées qui nous viennent à l’esprit et de redéfinir ainsi notre fonctionnement mental.

 

Qu’est-ce qui se passe quand surgit une idée ?

Avant d’aborder le cas très complexe de la génération d’une idée neuve, prenons le cas plus simple de l’idée « pilotée », celle qu’on suggère au sujet. Par exemple, l’idée de cheval suggérée par le mot « cheval ». Auparavant, pour savoir si le sujet avait pris conscience d’une idée, on était obligé de le lui demander. Avoir une idée au sens fort, c’est en effet être capable de la mettre en mot, de la discerner, de la rapporter. On appelle cela la « rapportabilité » : les sujets énoncent ce qu’ils ont à l’esprit. Mais aujourd’hui, il est parfois possible d’enregistrer la « signature » cérébrale de l’idée qui gagne la conscience du sujet, indépendamment de ce qu’il nous dit. Or que constate-t-on ? Qu’il y a un premier moment, inconscient, où beaucoup de choses se passent. Pendant les trois premiers centièmes de seconde, ce qui est énorme pour le tempo mental, notre cerveau traite, sans que nous en ayons conscience, le contenu lexical et sémantique d’une proposition qui lui est soumise. Il y a donc bien des formes d’idéation inconscientes.

 

Comment s’opère la prise de conscience, alors ?

La prise de conscience est un événement tardif à l’échelle du temps mental. Elle survient lorsque les régions éloignées les unes des autres qui ont commencé par traiter chacune de son côté et de manière inconsciente l’information, établissent entre elles une sorte de « conversation intégrée », un réseau.

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