“L’intelligence est-elle compatible avec la prise de risques?”
Paul Louis
Bien sûr que oui : il suffit, par exemple, de prendre des risques en connaissance de cause. Certes, l’intelligence sert d’abord à minimiser le risque : devant le pont fragile enjambant une rivière, avant de prendre une décision, à l’heure d’opter pour une stratégie plutôt qu’une autre, l’intelligence a sans doute pour fonction de réduire le plus possible le risque d’échec. Reste à savoir prendre… le risque qui reste. Ce n’est pas rien ; c’est même le secret des grandes décisions : elles exigent un « sens du risque », qui n’est pas l’amour du risque. L’amour du risque n’est que témérité, le sens du risque exige du courage. La tête brûlée aime le risque ; elle en a besoin pour se sentir vivante : c’est l’amour du risque. Nul besoin d’intelligence ici. Le sens du risque, quant à lui, exige autant d’intelligence que de courage, ou même d’audace. De l’intelligence : pour évaluer le risque après avoir tout fait pour le réduire. De l’audace : car il faut oser prendre le risque qui reste. Le danger, bien sûr, est que l’intelligence dévore l’audace. Au nom d’un principe de précaution pouvant vite servir de paravent à la lâcheté, l’intelligence mal employée peut trouver toutes les raisons de renoncer à prendre « le risque qui reste ». Votre question permet donc d’en poser une autre : sous quelles conditions l’intelligence va-t-elle nous préparer à l’audace, et non encourager notre lâcheté ? Nietzsche dirait : dans quels instincts s’origine notre « passion de la connaissance » ? Qu’avons-nous au fond du ventre lorsque nous utilisons notre intelligence pour examiner une situation ? Dans notre corps, écrit Nietzsche, l’instinct de l’art et celui de la peur se font une guerre sans relâche. Aucune victoire n’est jamais définitive. Le créateur et le lâche, et bien d’autres personnages encore, s’affrontent en nous pour la suprématie. Lorsque l’instinct de la peur l’emporte, l’intelligence use de toutes ses ruses pour justifier notre renoncement. Lorsque, au contraire, c’est l’instinct de l’art qui triomphe, il est capable de porter l’intelligence vers le risque : vers un risque assumé et pris en connaissance de cause. Ce courage, écrivait Aristote, est une vertu du juste milieu, une « mesótes », à égale distance de ces deux excès que sont la lâcheté et la témérité. Ce juste milieu est un sommet.
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