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Un technicien de laboratoire travaille sur des échantillons de Covid-19, le 12 octobre 2020 à l’École nationale vétérinaire VetAgro Sup à Marcy-l’Étoile. © Jeff Pachoud/AFP

Analyse

L’intégrité scientifique en débat

Octave Larmagnac-Matheron publié le 23 décembre 2020 4 min

« L’éthique exige que soit garanti l’accès pour tous aux données scientifiques. » Vingt-cinq médecins de l’Inserm appelaient, récemment, à la démocratisation des résultats scientifiques en matière de vaccination. Au-delà de la tribune, la question de la place de l’éthique dans la recherche scientifique s’est posée et reposée tout au long de la crise pandémique, qui a été aussi, à bien des égards, une crise de la recherche. Fin octobre, le Sénat adoptait, à l’unanimité, un amendement au projet de loi recherche visant à donner un cadre juridique à la notion d'intégrité scientifique, définie comme « l’ensemble des règles et des valeurs qui garantissent le caractère honnête et scientifiquement rigoureux de l’activité de recherche » et fondée sur une multitude de critères : honnêteté, rigueur, impartialité des recherches, objectivité des résultats, confiance. Le spectacle, désolant, du combat auquel les scientifiques se sont livrés tout au long de l’épidémie de Covid-19 quant à la nature du virus et aux traitements à utiliser, n’est pas, bien entendu, pour rien, dans cette volonté d’inscrire dans la loi l’exigence d’intégrité – et de rendre possible, de manière incidente, l’éventualité de sanctions pour les contrevenants.

Faut-il se réjouir de cette initiative ou bien, au contraire, redouter cette immixtion du politique dans le débat scientifique ? Pour l’épistémologue Léo Coutellec, l’insistance sur les normes qui régissent, ou devraient régir, l’activité de recherche est une bonne chose. À condition que ces normes ne soient pas figées et puissent évoluer en fonction des débats entre chercheurs et des objets sur lesquels ils travaillent. Et de souligner que l’intégrité scientifique doit être complétée par deux autres notions : l’éthique de la recherche et la responsabilité sociale des sciences.

L’intégrité scientifique, entre méthode et déontologie

  • L’intégrité scientifique, c’est l’ensemble des normes qui servent de critères pour juger de la validité d’un résultat scientifique et qui permettent de répondre à cette question : le scientifique a-t-il bien fait son travail ? « Bien » dans le sens où l’on peut considérer qu’il a respecté toutes les procédures en vigueur garantissant que son résultat peut être tenu pour fiable, que l’on ne peut suspecter que ce résultat soit contaminé par des trucages volontaires, biaisé par des préjugés inconscients, ou orienté par des intérêts personnels – bref, influencé par un facteur extérieur à la recherche elle-même.
  • Les critères de l’intégrité sont multiples. Par exemple, pour reprendre les éléments avancés dans l’amendement 162 du projet de loi recherche : exigence d’honnêteté, rigueur scientifique dans le processus de recherche, impartialité des études, objectivité des résultats. Une connaissance sera jugée recevable si elle respecte l’ensemble de ces critères méthodologiques et déontologiques (deux dimensions indissociables : ne pas respecter les procédures méthodologiques expose en effet le scientifique à tromper son audience.)

L’évolution des normes et l’adaptation aux objets

  • Comment les définir, ces critères méthodologico-déontologiques ? Pour Léo Coutellec, c’est d’abord aux scientifiques de s’atteler à cette tâche difficile. Tout en gardant à l’esprit que ces définitions ne sont jamais figées, qu’elles évoluent et doivent faire l’objet d’une discussion ouverte. Personne ne peut dire, une fois pour toute, ce qu’est l’objectivité. Autrement, les normes risqueraient de figer l’activité scientifique.
  • La norme doit être capable de s’adapter aux situations nouvelles, inédites. Son sens varie d’ailleurs aussi d’une science à l’autre, selon la singularité de l’objet d’étude : l’objectivité n’a pas le même sens en biologie et en physique quantique ; les méthodes de validation d’un résultat ne sont pas les mêmes. Les normes générales qui définissent la « robustesse épistémique » d’un savoir doivent donc être complétées d’une exigence de « pertinence » – « d’adaptation méthodologique et empirique » à la singularité des réalités étudiées.

De la pertinence des savoirs à la responsabilité des sciences

  • Une science pertinente, c’est aussi, selon Coutellec, une science qui tient compte de ses conséquences sur la société. Conséquence directes, attendues, lorsque la recherche est guidée par ses applications techniques éventuelles… mais aussi conséquences indirectes, inattendues, imprévisibles. Qu’elle le veuille ou non, toute science transforme le milieu social et les représentations culturelles dans lesquels elle s’inscrit. Sans le vouloir, la sélection naturelle de Darwin a été par exemple à l’origine d’idéologies eugéniques. Pour Coutellec, les scientifiques ont donc une responsabilité sociale.
  • D’après lui, une science pertinente doit donc prendre en compte le contexte social de la production des savoirs, auquel le scientifique n’échappe a priori jamais. Les débats scientifiques ne peuvent se limiter au cercle étroit de la méthodologie, aux seules normes de sa propre intégrité – du latin in-teger, « non touché » par un élément extérieur. Pour Coutellec, un isolement « hors sol » de la communauté scientifique n’est ni souhaitable, ni même possible. Tout scientifique devrait être porteur de « valeurs extra-scientifiques » de justice, d’équité, de respect, etc., à l’aune desquelles il évalue les conséquences de ses recherches.

Le pluralisme du débat

  • À la croisée de l’intégrité scientifique, tournée vers la communauté, et de la responsabilité sociale, tournée vers la société, se situe, selon Coutellec, « l’éthique de la recherche » : une forme de réflexivité « encastrée » dans la réalité concrète que les scientifiques doivent entretenir vis-à-vis de leurs propres pratiques. 
  • Faut-il, pour autant, faire l’étalage, dans l’espace public, de ces débats qui déchirent parfois violemment la communauté scientifique ? Les conflits à propos du Covid-19 n’ont-ils pas, surtout, conduit à décrédibiliser la science ? Sans doute en partie, mais, pour Coutellec, la confiance en un savoir ne peut « se donner aveuglement, ou s’obtenir par des arguments d’autorité ». Raison pour laquelle les scientifiques doivent partager, avec le public, leurs incertitudes et leurs débats internes. Le principal problème, dans la cacophonie du Covid-19, n’a pas été le débat mais la mise en scène de ce débat : « Certains médias peuvent transforment les débats scientifiques en guerre de clans, réduisant la complexité à des visions pauvrement binaires. »
Notre entretien complet avec Léo Coutellec
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