“L’indépendance est-elle vraiment possible ?”
Question de Romain Coste
Cher Romain, j’aime beaucoup votre question, et tout ce qu’elle sous-entend. Depuis l’enfance, on nous enjoint en effet à devenir « indépendants », à nous émanciper de nos parents, à gagner notre vie… et on nous invite à redouter une fin de vie qui nous réduirait à la « dépendance ». C’est oublier qu’une vie humaine est une vie de dépendance, en un sens noble et plein : nous commençons par dépendre des autres pour survivre, puis nous dépendons d’eux pour pouvoir nous développer… et si, plus tard, nous avons la chance de tomber amoureux, nous découvrirons alors une autre forme de dépendance – attendre l’appel ou le message de l’être aimé, dépendre de ses marques d’amour pour aller vraiment bien. « Être, c’est dépendre », écrit à ce propos Alain. Car nous ne sommes pas indépendants : nous ne sommes pas des monades autosuffisantes, puisque nous sommes des animaux sociaux, des êtres de relation ; nous ne sommes pas, n’en déplaise à Michel Houellebecq, des « particules élémentaires ». Les stoïciens nous ont certes proposé une sagesse de l’indépendance, mais d’une indépendance toute relative : accepter ce qui ne dépend pas de nous, agir sur ce qui dépend de nous. Leur proposition principale – ne pas dépendre des autres pour être heureux – peut être combattue précisément parce que nous vivons avec les autres et que notre véritable bonheur, en amour comme en amitié, dépend donc bien des autres, en tout cas de notre relation à eux, de ce que nous savons tisser et retisser avec eux. Ce n’est donc pas l’indépendance qu’il s’agit de valoriser mais plutôt l’autonomie : la capacité à s’orienter dans l’existence en écoutant sa raison, son jugement libre. Si les deux termes sont parfois confondus (« autonomie financière » ressemblant, par exemple, à « indépendance financière »…), il est salutaire de les distinguer. L’indépendance est une valeur négative – je ne dépends pas des autres –, quand l’autonomie est une valeur positive – j’obéis à la loi que je me suis prescrite, comme l’écrit Rousseau. Nous pouvons tout à fait dépendre des autres pour être heureux ou même dépendre de nos concitoyens dans notre sort politique… tout en demeurant autonomes dans notre manière de réfléchir, de guider nos existences.
“Doit-on se méfier des habitudes ?”
Question de Laëtitia Dupuis
Non… Il est des habitudes délicieuses, qui rythment notre existence et aiguisent notre sensibilité – les habitudes érotiques, par exemple… La répétition permet alors un surcroît de finesse, de délicatesse, des variations à la marge qui ne pourraient fleurir ailleurs que sur ce lit de l’habitude. Comment, alors, distinguer la bonne habitude – qui nourrit notre raffinement – de la mauvaise – qui nous endort, nous alourdit ? La première est une répétition capable de conduire à une sortie de la répétition, et elle procure un plaisir constant, voire croissant. La seconde est une répétition morne, ennuyeuse, qui enlève peu à peu son goût à l’existence. Parfois, c’est vrai, la frontière est moins nette, et la méfiance que vous évoquez est alors de mise. Restons attentifs, ouverts, conscients, observateurs de nos habitudes : elles peuvent être aussi bien des rites essentiels à la structuration de nos vies qu’un poison très dangereux, insidieux et mortifère.
Confinements et couvre-feux à répétition, bars, clubs et cafés fermés, lieux culturels désertés, télétravail généralisé, « gestes barrières…
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