Les manifestations en Chine vues par… Arendt

Les manifestations, inédites, contre la politique sanitaire du gouvernement se poursuivent en Chine. Pour tenter d’en comprendre les ressorts, nous avons choisi de publier chaque jour de la semaine le texte – fictif – d’un philosophe tel qu’il aurait pu s’exprimer sur le sujet, en restant fidèle à ce que nous connaissons de sa pensée.

Ce jeudi, Martin Legros imagine ce que Hannah Arendt aurait pu écrire.

« Ce que je ressens, c’est que pour quelques heures, je suis libre : même si c’est très court, pour une fois, je peux dire ce que j’ai envie de dire », affirmait une jeune étudiante chinoise à Shanghaï, samedi dernier. Elle venait de quitter une soirée entre amis dans un bar où elle devait assister à la retransmission de la Coupe du monde de football. De manière apparemment imprévisible, sans qu’ils se soient concertés mais probablement attirés via les messages qui circulent sur les réseaux, voilà qu’elle s’est retrouvée, avec ses camarades, dans une manifestation contre la politique sanitaire du régime chinois. Destinée initialement à témoigner de leur solidarité avec les victimes du drame d’Ürümqi, la capitale du Xinjiang, où les restrictions imposées par la politique « zéro Covid » avaient empêché de porter secours aux habitants d’un immeuble en feu, cette manifestation a peu à peu basculé dans une remise en cause générale de cette politique absurdement stricte avec ses confinements, tests et contrôles à répétition. Lors de ce rassemblement, galvanisés par leur propre audace, voilà que les manifestants en sont venus à s’en prendre à l’autorité même du Parti et de son dirigeant suprême : « Xi Jinping, démission » ; « À bas le Parti communiste », a-t-on entendu. Du jamais-vu !