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Ubu Roi © Johan Persson - 2013

Théâtre

Les époustouflantes jaculations d'Ubu Roi

Cédric Enjalbert publié le 18 février 2013 3 min
Le metteur en scène britannique Declan Donnellan s'attelle avec brio à rendre le délire d'«Ubu roi», donnant un coup de fouet à cette pièce d'Alfred Jarry. Il traque avec lui la folie tapie sous les dehors de la civilisation.

Merdre ! Lancée dès le lever de rideau, cette variation ubuesque de la familière interjection a assuré la notoriété de Jarry, en suscitant l’indignation du public offusqué que l’on s’en prenne à la «belle langue du théâtre». C’était en 1896 et Jarry bouleversait la triade conventionnelle signifiant-signifié-référant – le mot, sa signification et la réalité à laquelle il renvoie –, faisant du nouveau avec de l’ancien, bref dépoussiérant la langue. Du nouveau avec de l’ancien, c’est aussi précisément le brio du Britannique Declan Donnellan, qui donne un sang neuf à cette pièce, plus d’un siècle après sa création. Il ne débute d’ailleurs pas, comme à l’origine, par la vocifération de l’«hénaurme» merdre inaugural.

Ubu Roi, d'Alfred Jarry

Mise en scène de Declan Donnellan/ Scénographie de Nick Ormerod/ Avec Xavier Boiffier, Camille Cayol, Vincent de Bouard, Christophe Grégoire, Cécile Leterme, Sylvain Levitte

Declan Donnellan situe la pièce dans un intérieur bourgeois intégralement blanc (une candeur qui ne fait pas long feu ; ça va saigner) et couvert d’une épaisse moquette – une scénographie parfaite de Nick Ormerod. Un petit couple s’affaire à la cuisine, patientant avant l'arrivée de leurs convives dans ce « confort qui fait bien déconner » moqué par Céline. Ils chuchotent des paroles étouffées, quasi inaudibles: un sabir de banalités et de conformisme. Leur fils (Sylvain Levitte) – un frère du petit Victor, dans la pièce de Roger Vitrac : Victor ou les enfants au pouvoir – caméra à la main filme, la « merdonité » de ce monde empaillé, qu’il abhorre. Et qu'il entend bien renverser.

Soudain, une stridence : la fameuse petite chandelle verte du Père Ubu illumine le salon. Le carcan craque. Monsieur et Madame deviennent les vociférants Père et Mère Ubu (alias Christophe Grégoire et Camille Cayol). Toute la représentation sera ainsi entrelardée de retours au réel – le dîner mondain et les amabilités – après de longues glissades où l’imagination se lâche, en prise avec ses désirs profonds et mesquins, tapis aux tréfonds. Dans cet univers barbare, la moindre balayette devient une épée, un abat-jour une couronne, le canapé une grotte.

Malaise dans la civilisation ! « La civilisation exige souvent que ces sentiments soient ignorés, voire niés. Or, il y a un prix à payer pour la civilisation, et ce prix, parfois, c’est la folie », note Declan Donnellan. Familier de Shakespeare et de Middleton, le metteur en scène retrouve ici la folie et les sanguinolents excès de ce théâtre élisabéthain qu'il maîtrise brillamment. Le royaume du Père Ubu est un territoire des passions primaires.

 

« Trivialité raffinée de lapsus, de fantaisie et de poème : celle du Mot d'avant le commencement »

Jacques Lacan

Et Ubu, quel est-il ? Avec ses manières à la Falstaff, ce despote tout plein d'un « infantilisme menaçant » est entraîné au meurtre, comme Macbeth par sa femme, chez Shakespeare. Jarry (un père pour le mouvement Dada) a logé en Mère et le Père Ubu une éructation de violence primitive. Ces  fourbes épaulés par un lot de « palotins » et autres « salopins » frayent leur minable ascension parmi « un tas de saltimbanques [qui], pour se rendre intéressants, simulent la folie ». Et Jarry, dans cette jungle touffue, laisse le soin aux spectateurs de « disséquer la farce de la vérité ».

Beau tour de force et d'esprit de la remarquable compagnie Cheek by Jowl, qui rend à la langue de Jarry sa superbe subversion, cette inspiration archaïque qui a fascinée le psychanalyste Jacques Lacan dans ses Écrits : ce « génie qui guida Jarry en la trouvaille de la condensation d'un simple phonème supplémentaire dans l'interjection illustre: merdre. Trivialité raffinée de lapsus, de fantaisie et de poème, une lettre a suffi à donner à la jaculation la plus vulgaire en français, la valeur joculatoire, allant au sublime, de la place qu'elle occupe dans l'épopée d'Ubu : celle du Mot d'avant le commencement. » 
 

Renseignements et tournée

Théâtre des Gémeaux / 49, avenue Georges Clémenceau, Sceaux /

Du jeudi 14 février au dimanche 3 mars 2013, du mercredi au samedi à 20 h 45, le dimanche à 17 heures

Réservations: 01 46 61 36 67 et www.lesgemeaux.com

Tournée :

- du 5 au 8 mars à la Comédie de Béthune - Centre dramatique national

- du 26 au 29 mars au TnBA - Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine

- du 3 au 6 avril à la Criée - Théâtre national de Marseille

- du 10 au 20 avril au Barbican à Londres (Royaume-Uni)

 

 
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