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(cc) Tambako The Jaguar / Flickr

Les animaux ont-ils un visage ?

Vinciane Despret, propos recueillis par Martin Legros publié le 25 octobre 2012 7 min

C’est la question qu’Emmanuel Levinas ne voulait pas affronter. Pour y répondre, Vinciane Despret s’est confrontée à des photographies animalières. Selon elle, il faut une relation entre eux et nous pour que, derrière la face des bêtes, émerge un visage.

« Devant les bêtes, Emmanuel Levinas, le grand penseur du visage comme lieu de l’éthique, défenseur de l’exceptionnalisme humain, reconnaissait pourtant son trouble : “On ne peut pas entièrement refuser le visage à l’animal. C’est par son visage que nous comprenons par exemple un chien.” Mais ajoutait-il : “Je ne sais pas à partir de quel moment on a le droit d’être appelé ‘visage’. Je ne sais pas si le serpent a un visage.” En choisissant l’exemple du serpent – symbole maléfique dans la tradition biblique –, Levinas fermait l’hypothèse un peu plus tôt ouverte d’un visage de l’animal.

Je voudrais rouvrir l’hypothèse et élaborer la réponse en essayant de déconstruire l’idée de l’exceptionnalisme. Aujourd’hui, l’exception humaine vacille : nous ne sommes plus assurés de nos différences face aux animaux. Mais le visage est le dernier bastion où cela résiste. Pourquoi ? “Le visage ouvre la question : à quoi tu penses ?” dit Gilles Deleuze. Si je me lève, on me dira : “Que fais-tu ? Où vas-tu ? Que cherches-tu ?” Par contre, si je fronce le sourcil, si je serre les lèvres ou si mon visage prend juste une attitude totalement détachée, on va me demander : “À quoi tu penses ?” Le visage est le lieu de la pensée et de la singularité. Pas étonnant que nous ayons du mal à en accorder à d’autres espèces.

Les photos comme celles de Tim Flach sont de véritables mises en scène expérimentales qui font bégayer nos évidences. Car il parvient à faire surgir la question du visage – à quoi tu penses ? – pour des êtres dont on n’aurait jamais imaginé qu’ils puissent en avoir. Il rend leur visage à des êtres moins “envisagés”. Face à un poisson ou à un insecte, nous nous retrouvons à nous demander : est-il heureux ? A-t-il de l’humour ? Deleuze, toujours lui, rend compte de ce pouvoir de la photographie : “l’image-affection c’est le gros plan et le gros plan, c’est le visage” (cours du 26 janvier 1982). La photographie en gros plan opère un “processus de visagéification”. Cela ne veut pas dire qu’en l’absence de ce processus artéfactuel les animaux seraient privés de visage, mais que le visage émerge toujours d’une opération particulière qui nous le rend perceptible et sensible. C’est dans le cadre d’une relation, ici photographique, que les animaux acquièrent un visage. La primatologue Barbara Smuts raconte que c’est seulement lorsqu’elle a pris le risque de soutenir le regard des babouins qu’elle est parvenue à nouer une vraie relation avec eux. Jusqu’alors, elle avait évité, pourrait-on traduire, d’avoir un visage, et ce afin de garder la distance que les méthodologies de terrain imposaient à la pratique des chercheurs. Des deux côtés, c’est donc bien la relation qui instruit le visage. Et cela vaut aussi bien entre un humain et un animal qu’entre deux humains. »

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Article issu du magazine n°64 octobre 2012 Lire en ligne
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