L’enfer, c’est les autres ?
Le feu survenu dans la nuit de lundi 4 au mardi 5 février, dans le XVIe arrondissement de Paris, a marqué les esprits. C’est non seulement parce que le nombre de victimes est important – dix morts et quatre-vingt-seize blessés – mais aussi parce qu’une femme habitant l’immeuble est suspectée d’être à l’origine de cet incendie.
Que nos voisins puissent être aussi les plus proches dangers interpelle. Comme le souligne Anne-Sophie Moreau, rédactrice en chef de Philonomist, sur le plateau du Grand Soir 3, c’est que la vie en société est fondée sur un paradoxe : nous nous rapprochons pour nous protéger et, en nous rapprochant, nous favorisons les frictions. Comme le montrait Arthur Schopenhauer au XIXe siécle, nous oscillons toujours entre deux misères : la solitude ou le jeu social. Le philosophe allemand a imaginé à cet effet la fable du porc-épic : comme ces animaux, nous chercherions à nous blottir les uns contres les autres, l’hiver, pour nous réchauffer… mais au risque de nous enfoncer mutuellement nos pics.
Les hommes font corps, mus par « le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur propre intérieur ». Mais, dans le même temps, « leurs nombreuses qualités repoussantes et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau ».
L’enfer du voisinage
Jean-Paul Sartre fait dire autrement à l’un des personnages de sa pièce Huis clos (1944) : « l’Enfer, c’est les autres ». Pour Anne-Sophie Moreau, voilà le cœur des conflits de voisinage : le regard que l’autre porte sur soi, la crainte qu’il nous observe et se fasse de nous une certaine idée, d’être réduit à une certaine image, d’être « réifié », c’est-à-dire transformé en une chose par le regard d‘autrui. Le regard porté sur soi prive de la liberté d’être ce que Sartre appelle un sujet, un être libre qui ne se réduit pas à une chose. Pour le philosophe, nous sommes ainsi engagés dans une « lutte des consciences » pour la reconnaissance de notre existence en tant que sujet, afin de ne pas être ramené à ce que l’autre pense de moi. « Tous ces regards qui me mangent, écrit-il […]. Alors, c’est ça l’enfer »... du voisinage aussi.
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