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© Anton Vierietin/iStockphoto

La petite question

“Le froid ne fait pas tomber malade.” Vraiment ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 25 octobre 2023 4 min

Avec l’hiver qui s’annonce ressurgit un éternel débat : le froid est-il la cause du rhume ?


 

  • Il est de retour, avec les premières fraîcheurs hivernales. Nous en avons tous un dans notre entourage, et même souvent plusieurs. J’ai nommé : le type qui, alors que vous grelotez la goutte au nez, vous corrige d’un petit air supérieur – « Le froid, ça ne fait pas tomber malade ». Difficile de contenir son agacement. Car votre interlocuteur, ici, ne se propose pas de lancer une conversation ouverte et mesurée sur la manière dont le froid affecte ou n’affecte pas, et dans quelle mesure, notre propension à tomber malade. Ce qu’en général il sous-entend, c’est bien plutôt que dans votre grande bêtise, vous prenez une circonstance climatique fortuite pour un virus ou une bactérie susceptible de vous faire tomber malade.
  • Bien entendu, le froid ne fait pas par lui-même tomber malade. Encore que, il faudrait préciser le sens que l’on donne à la « maladie » : comme le souligne Maël Lemoine, auteur d’une Petite philosophie du rhume (Hermann, 2017), « le froid provoque transitoirement des symptômes qui ressemblent à s’y méprendre à ceux du rhume, le mal de gorge, le nez qui coule, les éternuements, la toux, parfois aussi l’impression de fièvre ». Mais surtout : il semble assez clair que, dans la plupart des cas, l’expression « prendre froid » ne signifie pas que froid est considéré comme cause directe de maladie. Le lien établi reste délibérément flou. Comme le résume Wittgenstein dans sa « Conférence sur l’éthique » (1929) : « Si je dis qu’il m’importe de ne pas attraper froid, je veux dire qu’un refroidissement provoque dans ma vie un certain nombre de désagréments qui sont descriptibles. » Le sens commun n’affirme rien de précis quant à la nature du rapport entre « froid » et « maladie », il ne spécule pas sur la nature de ce lien ou de l’état physiologique dans lequel je suis plongé de manière concomitante à l’exposition au froid. Disant « j’ai pris froid », je constate simplement cette concomitance sans savoir exactement de quoi il retourne, si ce n’est qu’il semble y avoir un lien.
  • Ce lien mystérieux paraît d’autant mieux attesté que beaucoup d’autres affirment en avoir fait l’expérience – au point que la formule « prendre froid » est devenue une expression du langage courant. Lorsque le lien est en partie précisé, il ne s’agit en général pas pour celui qui utilise la formule « prendre froid » de faire du froid la cause directe de la maladie. Bien plutôt, la formule sous-entend que le froid amoindrit nos défense immunitaires et accroit ce faisant l’incidence des rhinites et rhinopharyngites saisonnières à l’entrée de l’hiver. Le froid est une circonstance aggravante. Et en la matière – l’expression le sous-entend –, la circonstance est peut-être beaucoup plus décisive que le virus ou la bactérie dans le fait de tomber ou non malade.
  • Il y a ici évidemment matière à discussion. Le froid affaiblit-il réellement les défenses immunitaires de l’organisme ? La question reste ouverte sur le plan scientifique. Comme le note Lemoine dans son ouvrage, « ce n’est pas le froid qui provoque le rhume ». L’on tombe malade au début de l’hiver pour d’autres raisons, lesquelles entretiennent l’impression du lien de causalité. « Le premier facteur est une simple coïncidence: le retour d’un temps plus froid survient souvent environ trois semaines après la rentrée des classes. C’est à peu près le temps qu’il faut au rhinovirus pour se répandre de manière visible parmi les enfants. » Le philosophe en veut pour preuve l’explosion des infections au Japon lors de la rentrée des classes qui a lieu non à l’orée de l’hiver mais au printemps. « Il existe un deuxième facteur, directement lié au froid : plus il fait froid, plus les humains vivent confinés pour s’en protéger… Et plus la probabilité de transmission s’accroît. »
  • Pas de preuve, en somme, que le froid nous rend plus sensibles aux diverses petites pathologies hivernales. Mais les recherches les plus récentes invitent à changer de point de vue. Une grande étude publiée en 2022 dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology s’est en particulier intéressée à l’impact du froid sur les vésicules extracellulaires. Présente en particulier dans le nez, ces petites structures reconnaissent les virus et inhibent leur prolifération. Mais lorsque les températures baissent, la production de ces vésicules et leur efficacité diminuent. Ergo : nous tombons plus facilement malade. Les virus ont du reste une plus grande facilité à survivre dans les environnement froids.
  • Le propre de la science est assurément de contester certaines assertions du sens commun. Mais le fait qu’il lui incombe parfois d’affirmer des vérités contre-intuitives n’implique pas que toutes les vérités scientifiques doivent l’être ! Il arrive plus d’une fois que la science confirme ce que nous admettions pragmatiquement. Le sens commun peut même constituer un aiguillon intéressant, stimulant pour la science, dès lors qu’on s’efforce de prendre au sérieux les expériences ordinaires dont il est dépositaire. Ce n’est pas parce qu’il est non justifié scientifiquement que le sens commun ne peut que se tromper, et qu’il doit systématiquement être remis en question. Platon soulignait l’existence de l’« opinion droite », juste mais non vérifiée. Cette demi-vérité, sans doute, paraîtra insatisfaisante. Mais une grande partie de notre existence ne dépend-elle pas, faute de pouvoir sans cesse tout vérifier, de la confiance dans ces demi-vérités ?
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