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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Lukasz Szmigiel/Unsplash

Un classique éclaire le présent

L’automne avec Thoreau, pour apprendre à mourir

Caroline Pernes publié le 05 novembre 2022 4 min

Pour Henry David Thoreau, le rythme de l’existence correspond à celui des saisons. L’automne nous apprend à mûrir, à vieillir, puis à mourir. À l’heure du réchauffement climatique, que perdrions-nous en manquant l’automne ?

 

  • Thoreau et les Teintes d’automne (1862). Pour Thoreau, les excursions dans les bois permettent le retrait loin de la société matérialiste et la maturation d’un regard sensible à la beauté. Il s’inspire de son compatriote, le philosophe américain Ralph W. Emerson, chez qui il a séjourné quelques années comme homme à tout faire et pour qui le contact avec la nature donne un sens à l’expérience humaine. Fasciné par la répétition des saisons, Thoreau guette leurs signes avant-coureurs et les transformations qui s’ensuivent. Dans un essai publié en 1862, Teintes d’automne, il mêle l’observation scientifique à l’écriture poétique. Le but est de créer une sorte d’herbier littéraire de ce moment si particulier, auquel il a déjà consacré de nombreuses observations dans son Journal (plusieurs tomes disponibles ici). Plutôt que de ramasser les feuilles mortes, il tente d’en capturer l’essence par les mots, donnant à voir la diversité et la vivacité de leurs teintes. L’automne se dévoile comme une peinture au regard attentif : « Octobre est le mois des feuilles peintes. C’est le temps où les chaudes couleurs éclatent de par le monde […] Octobre est son ciel au couchant, suivi par novembre qui est son crépuscule. » Le résultat est à la fois un inventaire de ses espèces végétales favorites, classées par ordre d’apparition, et un éloge de leurs fascinantes métamorphoses.
  • Une métaphore de la vieillesse. Les Teintes d’automne sont empreintes d’une réflexion sur la vieillesse et la mort. C’est d’abord une conférence, prononcée peu après le décès de son père en 1859. Alors que l’essai est préparé pour publication, Thoreau souffre d’une tuberculose en stade final et est alité. Il meurt avant de voir le texte matérialisé. La description de l’automne prend un sens existentiel : les feuilles qui tombent sont à l’image de la vie. Elles mûrissent, vieillissent, avant de disparaître. L’orange et le rouge des paysages ressemblent à un dernier éclat, et leur vision atténue l’angoisse de la mort. En soulignant la beauté de ce moment, Thoreau enjoint à accepter, voire célébrer, l’inévitable : « Tout comme l’insecte aux ailes parfaites et aux couleurs fréquemment vives a une existence éphémère, ainsi les feuilles ne mûrissent que pour tomber. » L’automne est une apogée. Sa beauté n’est que le résultat du cycle des saisons, « le chef-d’œuvre de tout un été ». Il souhaite que les hommes s’inspirent de ce modèle pour penser la vieillesse : « Ah ! si nous pouvions mûrir avec autant de perfection, racine et branche, flamboyant au cœur de notre déchéance. » Approcher le déclin sans tristesse, comme l’éloge d’une vie pleinement savourée. Le mouvement des feuilles qui s’élèvent pour retomber sur le sol empêche de sombrer dans la mélancolie : « Elles qui planaient si haut, comme elles retournent à la poussière avec contentement et s’abaissent, résignées à se laisser décomposer au pied de l’arbre, afin de fournir la nourriture à de nouvelles générations de leur espèce, aussi bien que pour reprendre leur essor ! » Comme la philosophie, « elles nous apprennent à mourir ».
  • L’hiver vient. 25 degrés en octobre, on pourrait célébrer l’été qui s’éternise ! Mais cette attitude ne revient-elle pas à refuser d’accepter le cycle de la vie ? Thoreau se demande « si le jour viendra où les hommes, qui se vantent de croire en l’immortalité, s’allongeront avec autant de grâce et de maturité et, avec la sérénité de l’été indien, se déferont de leur corps comme ils se coupent les cheveux ou les ongles ». La chaleur inhabituelle pour la saison serait le signe d’un manque de sérénité, d’un déclin qui tarde à s’annoncer. Thoreau aurait sans doute été alarmé de voir le cycle naturel ainsi bouleversé. Ses Teintes d’automne sont en effet rythmées par un calendrier précis : « Dès le 20 août, partout dans les bois et les marécages, la nature nous rappelle que c’est l’automne. » « Dès le 6 octobre, les feuilles commencent généralement à tomber, en pluies successives provoquées par le gel ou les averses. » Vers le 16 octobre, « elles sont tombées de tous côtés, au premier coup de baguette magique de l’automne, faisant le même bruit que la pluie ». Et si nous perdions cette baguette magique ? Thoreau s’inquiétait que l’on ne plante pas suffisamment d’arbres dans les villes, empêchant de constater les changements saisonniers : « Le village qui en est démuni est incapable de fonctionner comme il faut. Il a un boulon mal vissé ; il lui manque une pièce essentielle. Il nous faut donc des saules au printemps, des ormes en été, des érables, des noyers et des tupélos en automne, des conifères en hiver et des chênes en toutes saisons. » Privés de ces marqueurs, nous nous exposons à « la mélancolie et la superstition ».
  • Novembre débute, les feuilles rouges jonchent le sol et nous voilà rassurés : l’automne sera bien présent cette année. Mais son retard conduit à nous interroger. Qu’en serait-il si, d’aventure, le climat se déréglant davantage, nous rations cette saison ? Nous manquerions alors la transformation émotionnelle qui l’accompagne, celle qui permet de « rompre la routine par une expression de joie et d’hilarité analogue » à ses métamorphoses. Nous empêcherions également l’éducation des enfants, qui « s’abreuvent de cette couleur ». L’automne est la beauté de la maturité précédant le déclin. Sans elle, nous serions confrontés à l’angoisse d’un temps qui ne cesse de s’accélérer.
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