Langue de bois. Quand dire, c’est taire

publié le 3 min

C’est l’une des armes préférées des politiques mais ils n’en ont pas l’exclusivité. Et si le langage même n’était qu’une somme de petits arrangements avec le réel ?

« Dès que nous avons vraiment quelque chose à dire, nous sommes obligés de nous taire… »

Maurice Maeterlinck

 

Quand Charlie Hebdo publia, en 2007, les premières caricatures du prophète Mahomet, un grand nombre de politiques, partagés entre le souci de défendre la démocratie et la crainte de déplaire, communièrent dans une double affirmation : « La liberté d’expression est sacrée, disaient-ils, mais il faut savoir éviter le blasphème. » Annulation de la première partie de la phrase, par sa seconde proposition. Indécision maquillée en synthèse. Cohabitation de principes contraires. Jet de brume comme réponse au « jet d’huile sur le feu ». Esquive réflexe. Communication. Langue de bois.

La langue de bois n’est pas un mensonge, juste un déguisement : le masque de pondération qu’un représentant revêt en cas de panique. Tendez l’oreille aux langues de bois. Écoutez-les claquer des genoux… Écoutez l’homme de droite incapable de désavouer Sarkozy mais soucieux d’obtenir au second tour, face au Front national, un bon report des voix de gauche ; écoutez l’« indigène de la République » qui invoque « toutes les discriminations » pour ne pas condamner l’antisémitisme, ou le nationaliste corse qui dénonce « toutes les violences » pour ne pas condamner l’assassinat d’un préfet… Derrière l’espéranto d’un langage qui ne contente personne mais voudrait satisfaire tout le monde, sous les sinuosités, les « sans doute » et les « je vais vous répondre clairement » qui sont les signes avant-coureurs de la xylolalie, au-delà des dénégations toutes faites et des constats oiseux qui la ponctuent comme un caquètement, qu’elle prenne la forme de la surenchère ou de l’atermoiement, la langue de bois n’est qu’une parole qui pense à sa peau.

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