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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Louise.(détail) © Xavier Schwebel pour PM

Dossier / “Peut-on être en accord avec soi-même ?”

La vie contre soi

Ilaria Gaspari, propos recueillis par Victorine de Oliveira publié le 21 septembre 2023 16 min

Se débattre avec ses désirs, sa colère, sa honte… Comme nous tous, les témoins que nous avons interrogés bataillent avec leurs déchirures. Des parcours qu’éclaire la philosophe Ilaria Gaspari, spécialiste des émotions.

 


Dans un monde idéal, notre travail nous permettrait d’épanouir à la fois nos compétences et nos convictions politiques, nos relations amoureuses et amicales se dérouleraient sans tentative de prise de pouvoir de la part de celui ou celle que nous aimons, et nous serions capables de reconnaître instantanément nos désirs et affects les plus profonds. De toute évidence, ce monde idéal n’existe pas, et nous passons notre vie à batailler avec des contradictions qui nous handicapent plus ou moins. L’accord absolu avec soi-même semble être œuvre de saint tant pèsent sur nous des contraintes économiques et sociales. Comment concilier des idées anticapitalistes et l’accès à un statut social favorisé qui suppose de se plier au système de l’entreprise ? Comment ne pas se perdre dans une relation toxique au point de s’approprier le mépris de l’autre ? Comment exister entre deux parents qui se déchirent et réclament une loyauté égale ? Comment assumer des désirs qu’une société hétéro-patriarcale discrimine et invisibilise encore ? Ce sont des questions auxquelles nos témoins ont été confrontés. Certains d’entre eux ont résolu la contradiction, d’autres la vivent et se débattent encore avec, dans leur chair.

Ilaria Gaspari est de ces philosophes qui n’hésitent pas à se livrer personnellement dans ses essais, sans faire l’impasse sur les contradictions qui l’animent elle-même. Dans ses Leçons de bonheur (PUF, 2020), elle profite d’un déménagement pour éprouver de façon pratique différentes écoles de pensée antique, jusqu’à trouver celle qui lui permette de traverser au mieux les moments de crise. Dans son Petit Manuel philosophique à l’intention des grands émotifs (PUF, 2022), elle confie avoir la larme facile et faire preuve d’un grand sentimentalisme : « Je garde tout, les billets de train, les cartes postales, les tickets de caisse, pour essayer de me rappeler qui j’étais, qui je suis, dans l’espoir de rester connectée aux choses que j’ai vécues. » Comment assurer cette connexion sur le long terme pour ne pas vivre constamment en désaccord avec soi-même ? En laissant leur place aux affects qui nous traversent et parfois nous inondent : nostalgie, angoisse, colère… Le plus puissant d’entre tous, le désir, est aussi le plus souvent contrarié. Nos témoins le montrent : il faut parfois une vie pour en reconnaître l’objet. Mais seulement après peut-on espérer trouver la paix.


© Xavier Schwebel pour PM
© Xavier Schwebel pour PM

« Regarder ma petite amie lutter contre ses propres désirs a été une libération »

Louise / 29 ans, agent d’artistes

« Je sais depuis toujours que je suis lesbienne. J’ai eu des histoires avec des garçons comme avec des filles – mais je considérais ces dernières comme les plus belles. Face aux autres, c’était toutefois plus difficile à assumer. J’ai commencé à sortir le soir assez jeune, avec des copines plus âgées que moi, très à l’aise avec leur sexualité. Dans le groupe, c’était un peu la course aux mecs, à qui sortirait avec le plus en vue. Cette compétition ne m’a jamais vraiment plu, mais je me disais que j’allais passer pour une idiote si je n’y participais pas et que j’allais être rejetée. Depuis l’enfance, je regarde les filles, je suis toujours en bande de filles et je ne suis amie qu’avec des filles. Je me souviens être tombée amoureuse de ma prof de français – à l’époque, je me disais simplement que je cherchais en elle une mère de substitution, je n’employais pas le mot “amour”. Il y avait vraiment peu de représentations des lesbiennes, et il m’arrivait très souvent de pleurer seule dans mon lit parce que je me disais que quelque chose clochait chez moi. J’avais l’impression d’être nulle parce que je n’arrivais pas à me mettre en couple avec un garçon qui suscite l’envie et l’admiration, et j’étais jalouse des autres filles qui y arrivaient. J’ai eu ma première petite amie à 18 ans. Mais autour de moi, on se disait que j’expérimentais des choses, que c’était une phase. Avec M., que j’ai rencontrée plus tard, ma vie a été très intense et compliquée, notamment parce qu’elle n’était pas sûre de s’assumer comme lesbienne. À force d’en discuter avec elle, parfois dans la douleur et dans les larmes, j’ai fini par reconnaître que c’était bien ma place. Bizarrement, ça a été une libération de la regarder lutter contre ses propres désirs : ça m’a mis au clair avec les miens. Si cela m’a pris tant de temps, c’est aussi parce que j’ai dû faire le deuil d’une vie de famille classique, du couple hétéro avec des enfants. Aujourd’hui, je ne considère plus tellement cela comme un deuil mais plutôt comme un feu de joie. Si je dois un jour fonder une famille, ce sera plutôt en imaginant des formes alternatives au couple classique, que je ne cherche plus tellement : la coparentalité, par exemple. Je sais désormais que je n’ai jamais eu de problème particulier, c’est juste que je ne me trouvais pas à la bonne place. »

Expresso : les parcours interactifs
Comme d'habitude...
On considère parfois que le temps est un principe corrosif qui abîme les relations amoureuses. Mais selon le philosophe américain Stanley Cavell l'épreuve du quotidien peut être au coeur d'un principe éthique : le perfectionnisme moral, qui permet à chacun de s'améliorer au sein de sa relation amoureuse.
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Article issu du dossier "Peut-on être en accord avec soi-même ?" septembre 2023 Voir le dossier
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