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La poule de Hume

Victorine de Oliveira publié le 31 janvier 2024 3 min

« Un long silence, de la musique qui hurle dans le bar comme pour combler le malaise, et le couperet tombe : “Je ne me sens pas d’investir cette relation.” – “Ah, OK.” Après une journée interminable, c’est tout ce dont j’étais capable. Rien à ajouter, si ce n’est que le carrelage suit un motif vraiment curieux – ou est-ce une tache ? Tout à coup, la poule face au proverbial couteau m’a parue très familière. Ou encore Bella Baxter, l’héroïne de Pauvres Créatures, face aux réactions parfois énigmatiques de ceux qui ne sont pas tout à fait ses congénères (sans parler du fait qu’elle est bien mieux habillée que la poule en question). Non pas que me faire plaquer soit une nouveauté. Mais “investir” qui plus est “une relation”… Qu’est-ce que cela veut dire ?

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Commençons simplement avec Le Robert. Pour ce verbe transitif, le dictionnaire propose une première définition. “Investir : revêtir solennellement d’un pouvoir, d’une dignité, par la remise symbolique d’un attribut.” Ou encore : “Mettre en possession d’un pouvoir, d’un droit, d’une fonction.” On investit un ministre, par exemple. Dans un registre plus militaire, on peut aussi investir un lieu, une place forte, une ville, c’est-à-dire s’emparer d’un objectif stratégique. L’aspect économique (“Employer, placer des capitaux dans une entreprise”) et émotionnel (“Mettre son énergie psychique dans une activité, un objet. Syn. : Surinvestir”) n’arrive qu’à la fin. Cela raconte presque une histoire, avec son climax et sa chute : on couronne quelqu’un – j’ai eu la fève il y a deux semaines, j’aurais dû me méfier, tiens – et on en fait le centre de ses attentions plus ou moins exclusives. Si on est un brin possessif, on se comporte en conquérant. On invite la personne au restaurant, puis on finit par se rendre compte qu’on en a peut-être un peu trop fait et que tout cela est bien fatiguant. Clairvoyant, ce Robert.

La poule en moi ne comprend pas bien cette histoire d’investissement car elle ne prend pas l’autre pour un couteau, soit pour une chose, mais elle l’envisage plutôt comme un événement. Investir quelque chose qui arrive, c’est sans doute possible, mais ça complexifie un peu notre affaire. Alors que se laisser porter comme on embarquerait sur un navire dont on ne connaîtrait pas la destination, voilà une métaphore un brin plus excitante. Le monde est-il une suite d’objets qui se heurtent à nos sens et nous posent différents problèmes ? Ou nous offre-t-il une collection de sensations étourdissantes qui, certes forment parfois des nœuds, mais nous font sentir extraordinairement vivants ? Comme Bella Baxter, misons plutôt (ou investissons ?) sur l’empirisme et la multiplication des expériences.

Le philosophe David Hume propose un récit alternatif à la définition du Robert : “Quand j’ai à connaître les effets d’un corps sur un autre dans telle ou telle situation, il me suffit de les placer dans cette situation et d’en observer les résultats. […] Nous devons donc dans cette science glaner nos expériences par le moyen d’une observation scrupuleuse de la vie humaine et les recueillir telles qu’elles apparaissent, selon le cours ordinaire du monde, dans la conduite des hommes dans la société, dans leurs affaires et dans leurs plaisirs”, amorce-t-il en introduction de son Traité de la nature humaine (1739). Le penseur écossais tenait à débarrasser son lecteur de la méfiance que toute une tradition philosophique pouvait lui avoir inculqué à l’égard de ses sens. Bien sûr que les sens peuvent nous tromper et nous envoyer des informations qui vont jusqu’à nous submerger. La collection de sensations qu’ils procurent reste toutefois notre seul mode de connaissance. Même pour une poule. »

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