La maison du philosophe Alain squattée près de Paris

Dans les Yvelines, l’ancienne maison d’Émile-Auguste Chartier, dit Alain, accueille normalement l’Institut Alain, qui met en chantier l’œuvre intégrale des 30 883 Propos d’un Normand. Sauf que cette année, comme l’apprend Philosophie magazine, la bâtisse a été forcée et occupée pendant l’hiver…

Si l’intrusion n’a manifestement plu à personne, qu’en aurait pensé le philosophe, célèbre pour son altruisme ?

« Ici a vécu de 1917 à 1951 le philosophe Alain », peut-on lire gravé sur une petite plaque en marbre accrochée à la façade. Située au Vésinet (78), en banlieue parisienne, la maisonnette fut le refuge du Normand blessé dans les tranchées après s’être engagé comme simple soldat pendant la Première Guerre mondiale, dans le but de prouver la légitimité de son discours pacifiste – à 46 ans, l’universitaire était dispensé de mobilisation. Démobilisé pour de bon en octobre 1917, il restera dans cette demeure jusqu’à sa mort, en 1951. Aurait-il pu imaginer qu’en 2023, un squatteur investisse le bâtiment ?

Des voix divergentes

Le phénomène est en tout cas loin d’être étonnant. En France, au moins 146 bâtiments auraient été occupés en 2022, selon le dernier rapport de l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels : c’est près de trois fois plus qu’en 2020. Alain Zalmanski, le très actif président de l’Institut Alain, se montre même bien désabusé face à la situation : « C’est la troisième fois en trois ans. La maison se trouve le long des rails du RER A, elle est facilement repérable. D’autant plus que la fenêtre arrière est cassée puisqu’on a déjà été cambriolés à plusieurs reprises. Pourtant, il n’y a rien d’autre à voler que des livres », déplore-t-il au téléphone. Depuis l’intrusion en décembre 2022 (c’était le mois de décembre le plus froid en France depuis 2010), les cycles de conférences y ont cessé. L’institution vésigondine créée en 1981 par Robert Bourgne, l’administrateur littéraire de l’œuvre du philosophe, continue donc de profiter des locaux… quand elle le peut.