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La Maison carrée à Nîmes (30), temple romain construit au Ier siècle, a été inscrit patrimoine mondial de l’Unesco en septembre 2023. © Bruno De Hogues/Only France/AFP

La Maison carrée sous le bistouri

Clara Degiovanni publié le 22 septembre 2023 3 min

« C’est une superbe nouvelle pour la Nîmoise (très chauvine) que je suis : ce lundi 18 septembre, la Maison carrée a été inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, à côté des 50 monuments français déjà présents sur la prestigieuse liste.

Ayant habité toute mon enfance en plein centre de cette ville gallo-romaine, j’ai eu la chance de passer quasi quotidiennement devant la Maison carrée. Ma mère, passionnée par l’histoire romaine, nous encourageait, mon frère et moi, à poser notre main sur la pierre. Elle voulait qu’on sente sous nos doigts ce temple que les Romains avaient eux aussi pu toucher, 2000 ans avant nous. Pour qu’on l’imagine encore mieux, elle inventait des histoires dans lesquelles on pouvait se téléporter dans le temps et côtoyer le monument en pleine Antiquité, quand il était dédié au culte de l’empereur Auguste.

Mais pendant quelque temps, je n’ai plus pu toucher cet édifice. Car habiter à Nîmes entre 1996 et 2014, c’est vivre au milieu des travaux de restauration. J’ai assisté à ceux des arènes (commencés en 2010 mais encore inachevés) et à ceux de la Maison carrée, de 2006 à 2010. Depuis ces travaux, les deux monuments, jadis recouverts d’une épaisse croûte de pollution, sont d’une blancheur immaculée. Ils trônent sous le soleil gardois, d’autant plus visibles que l’espace autour – le parvis des arènes et la place de la Maison carrée – a été vidé des voitures et des obstacles visuels qui nuisaient à leur contemplation.

Juste après les rénovations, je trouvais cette blancheur un peu déroutante. Parce que j’associais la noirceur à l’ancienneté, j’avais le sentiment que les arènes et la Maison carrée n’avaient pas été restaurées, mais “remises à neuf”. Une part de leur fragilité poudreuse avait disparu pour laisser place à une impeccable netteté, un peu trop clinquante à mes yeux. Je pratiquais alors inconsciemment le “culte de l’ancienneté”. Ce terme, forgé par l’historien des arts autrichien Aloïs Riegl (1858-1905), désigne la volonté de laisser intactes les traces du temps qui érodent un monument, quitte à ce qu’il finisse en ruine. Selon Riegl, celui qui pratique ce culte vit toute modification de l’édifice comme un drame personnel, presque viscéral. “Le monument est une partie de sa propre vie, et toute intervention […] l’incommode autant que si elle concernait son propre organisme”, écrit-il dans son essai Le Culte moderne des monuments (1903). Ici, la restauration est perçue comme un acte de chirurgie esthétique, à la fois invasif et autoritaire.

Je vous rassure, je n’ai pas été à ce point affectée par ces travaux. La nostalgie des débuts a même petit à petit laissé place à un réel émerveillement, notamment quand je me suis attardée sur des détails tels que la superbe frise ornant l’architrave de la Maison carrée, avec ses feuilles d’acanthe et ses oiseaux, parfaitement visibles depuis le blanchiment de toute la façade. Désormais, le monument est non seulement plus beau, mais aussi plus clair, plus compréhensible. La restauration architecturale obéit dès lors à un objectif théorisé par Riegl : celui de la “remémoration intentionnelle”, consistant à agir sur un édifice délabré afin de restituer le plus fidèlement possible son état originel.

La minutie et la précaution des méthodes utilisées ont achevé de me convaincre du bien-fondé de ladite restauration. La façade de la Maison carrée a été blanchie par une poudre extra-fine, projetée à très basse pression. Les restaurateurs ont utilisé des scalpels et des lasers pour consolider avec délicatesse les parties fragilisées (chapiteaux, frise, corniche), tout en appliquant des compresses d’eau déminéralisée sur le monument afin d’éliminer les particules grasses de suie. Enfin, des “greffes” faites à partir de la pierre de Lens, qui compose le monument, ont été apposées sur les éléments de sculpture endommagés.

Les outils utilisés le confirment : les restaurateurs peuvent bien être considérés comme des chirurgiens du bâti. Si je comprends donc la frilosité des partisans de l’ancien, je salue le talent et la patience de ceux qui ont redonné à cette grande dame salie par la pollution l’éblouissante beauté de sa prime jeunesse antique ! »

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