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Xavier Bertrand le 12 avril 2021. © Alain Apaydin/Abacapress.com

Justice

La justice peut-elle être automatique ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 17 mai 2021 3 min

Candidat déclaré à la présidentielle de 2022, l’ex-Les Républicains Xavier Bertrand annonçait, il y a peu, son intention de modifier la Constitution pour que « quand on attaque un policier, un gendarme, un pompier, un maire, il y [ait] une peine de prison automatique minimum d’un an non aménageable » – dès lors que l’accusé est jugé coupable. Dans sa ligne de mire : les condamnations jugées laxistes et les acquittements (huit au total) dans l’affaire des policiers brûlés de Viry-Châtillon. Et de préciser par la suite, face aux critiques, que, dans son projet, « l’individualisation de la peine subsiste », mais « de telle façon qu’elle n’empêche pas l’application d’une peine minimum obligatoire. » L’idée d’une automatisation partielle de la décision judiciaire semble pourtant remettre en cause le sens même de la justice : c’est toujours un cas unique, absolument singulier, qu’il incombe de juger.

 

  • Deux séries d’arguments permettent de défendre l’idée d’une justice automatique – qui se meut elle-même. Le premier est pragmatique : l’automatisation permet d’éviter que les procès traînent en longueur, ce qui est plus que jamais le cas aujourd’hui. Le second argument, dont Xavier Bertrand se fait aujourd’hui l’écho, remonte au principe de la justice, à la question de son impartialité : la justice sera plus juste si elle s’émancipe des hommes, tantôt trop indulgents, tantôt trop sévères, si les jugements qu’elle prononce sont exportés dans des procédures impersonnelles où l’affect n’aurait pas sa place. C’est la position du juge Bourriche, dans la nouvelle Crainquebille (1901) d’Anatole France : « La justice est sociale. Il n’y a que des mauvais esprits pour la vouloir humaine et sensible. On l’administre avec des règles fixes et non avec les frissons de la chair et les clartés de l’intelligence. »
  • Anatole France, dans la suite de la tirade, nous montre pourtant les dangers de cette tentation. Bourriche continue : « Surtout ne lui demandez pas d’être juste, elle n’a pas besoin de l’être puisqu’elle est justice, et je vous dirai même que l’idée d’une justice juste n’a pu germer que dans la tête d’un anarchiste. » La justice automatisée, réduite à une procédure, dépouillée, risque de se renier elle-même, d’oublier ce qui fait sa nature : la délibération. Les lois, les règles qui organisent l’ordre juridique, ne peuvent pas s’appliquer directement, automatiquement, parce que leur généralité rencontre, au tribunal, la singularité du cas qu’il s’agit d’examiner. Le juge travaille à l’intérieur de cet écart que les propos de Xavier Bertrand appellent à abolir au moins partiellement.
  • C’est ce que souligne Jacques Derrida, dans Force de loi (1994). À ses yeux, la justice, pour être vraiment justice, doit accepter la tension qui la tiraille : « Comment concilier l’acte de justice qui doit toujours concerner une singularité, des individus, des groupes, des existences irremplaçables […] dans une situation unique, avec la règle, la norme, la valeur ou l’impératif de justice qui ont nécessairement une forme générale, même si cette généralité prescrit une application chaque fois singulière. Si je me contentais d’appliquer une règle juste, sans esprit de justice et sans inventer en quelque sorte à chaque fois la règle et l’exemple, je serais peut-être à l’abri de la critique, sous la protection du droit, j’agirais conformément au droit objectif, mais je ne serais pas juste. » Et, comme il l’ajoute : « L’individu ou la communauté doivent garder la “responsabilité” […] la condition en est l’absence de critères généraux et de règles automatiques. »
  • Une justice automatisée est une justice qui renoncerait au souci, essentiel, de la singularité – qui substituerait totalement au réel le schéma de la loi. L’automatisme exile hors de l’humanité la responsabilité d’une décision réfléchie, qui ne peut être que le fait des hommes. Appeler dans cette direction, c’est donc, fondamentalement, mettre en danger tout ce qui fait de la justice… la justice.
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