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© Martin Legros

Héron d’Alexandrie à Dammarie-lès-Lys

Martin Legros publié le 03 octobre 2022 3 min

Des distributeurs automatiques alimentaires en pleine campagne ? Où l’on trouve des pizzas et des chargeurs de téléphone aussi bien que des légumes bios ? C’est la nouvelle tendance en milieu rural. Entre extension de la conso… et magie des automates, une expérience que Martin Legros décrypte avec Héron d’Alexandrie et Adorno.

 

« Depuis que je l’avais aperçu, il m’intriguait, ce container rouge flamboyant planté sur la pelouse à côté du parking municipal du hameau de Vosves, où j’habite, un petit bourg un peu excentré sur la commune de Dammarie-lès-Lys, entre la Seine et la forêt de Fontainebleau. Et j’ai mis plusieurs secondes à réaliser où j’étais lorsque je m’y suis rendu, le soir avec mon fils, et que j’ai pénétré à l’intérieur de ce bunker de fer et de verre. Comme si une sorte d’ovni s’était posé là, venant rompre la tranquillité des lieux. Il n’y avait pourtant personne à l’intérieur de la “box” où l’on a pénétré, Simon et moi, après nous être inscrits sur une application, via notre téléphone, et avoir livré à la machine nos données bancaires. Les marchandises y sont en libre accès, et l’addition est calculée par des capteurs et des caméras positionnés un peu partout dans les étals et frigos de la “supérette” lumineuse et hyperconnectée. Côté contenu, c’est un concentré de malbouffe – sandwichs, chips, sodas, pizzas, barres chocolatées… Mais pour ceux qui auraient des besoins plus sains, il existe, à quelques encablures de là, une box du même genre, mise en place par la ferme bio du coin, où l’on peut trouver 24h/24 des paniers avec les dernières récoltes de fruits et légumes de saison. Sans compter les boxes de baguette ou de pizzas qui essaiment un peu partout dans le monde périurbain pour compenser la disparition des petits commerces de proximité – on en compterait près de 80 000 dans l’Hexagone, selon l’Institut d’études Gira Foodservice.

À quoi tient le sentiment d’étrangeté que l’on éprouve en pénétrant, en pleine campagne, dans une boîte à pizzas ou à légumes ? Après tout, ce n’est pas comme si le monde moderne n’était pas venu jusqu’ici – le centre commercial n’est pas loin, avec ses stations-service et ses bornes de livraisons. Il y a d’abord quelque chose de magique dans la distribution automatique. C’est cela qui nous a attirés, ce soir-là, par-delà les choses dont nous pouvions avoir besoin : l’émerveillement devant l’automate. Loin d’être le fruit de la civilisation moderne, le premier distributeur automatique remonte d’ailleurs à l’Antiquité. On le doit à Héron d’Alexandrie, mathématicien et ingénieur grec du premier siècle qui a dessiné de géniales machines dans son Traité des pneumatiques. Son premier distributeur, dont on trouve la reconstitution sur le site du musée des Technologies des Grecs de l’Antiquité, était un distributeur d’eau sacrée : en faisant tomber une pièce dans un vase contenant tiges et leviers, les fidèles recevaient en échange par un petit robinet un peu d’eau sacrée. Héron cherchait à “susciter l’étonnement et l’émerveillement”.

Cet émerveillement enfantin s’est cependant doublé, devant la box alimentaire de notre village, d’un sentiment d’aliénation, d’autant plus vif que tout s’était passé sans encombre : nous ne nous étions pas retrouvés enfermés dans la machine, le dispositif avait rempli son office… et nous avec. Dans Minima Moralia (1951), le philosophe allemand Theodor Adorno décrit bien l’effet que peut produire une porte ou un escalier automatique : loin de se plier aux mouvements souples des corps, ces machines exigent de ceux qu’ils font marcher des mouvements saccadés, brusques et violents. “La technicisation, écrit Adorno, retire aux gestes toute hésitation, toute circonspection et tout raffinement. Elle les plie aux exigences intransigeantes et pour ainsi dire privées d’histoire qui sont celles des choses”. Adorno voyait là l’un des effets les plus profonds de la technique moderne : celui d’entraîner un “dépérissement de l’expérience”.

Eh bien, c’est le sentiment étrange avec lequel nous sommes rentrés à la maison, Simon et moi, ce soir-là, après l’enthousiasme initial. Nous avions fait les courses, nous nous étions pliés aux exigences des choses. Mais à la différence de ce qui se passe dans un “vrai” commerce de campagne, nous avions été privés d’expérience et d’histoire à raconter. Enfin, pas tout à fait… »

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