La personnalité

Guðni Jóhannesson. En Islande, Un président vraiment normal

Martin Legros publié le 2 min

Cet été, lors du dernier championnat d’Europe de football, au cours duquel l’Islande a atteint, à la surprise générale, les quarts de finale face à son hôte français, Guðni Jóhannesson a préféré revêtir le maillot de la sélection nationale et rejoindre les sympathiques supporters islandais plutôt que de s’installer avec François Hollande dans la tribune officielle. Tout un symbole. Élu une semaine plus tôt, le jour de ses 48 ans, avec près de 40 % des suffrages, alors que le Premier ministre conservateur, démissionnaire suite à son implication dans le scandale des Panama Papers, ne récoltait que 13 % des voix, Guðni Jóhannesson entend être et rester « un non-politique dans le champ politique ». De fait, c’est avant tout un professeur d’histoire. Formé à Oxford, où il a rencontré sa femme – l’écrivaine canadienne Eliza Reid –, père de cinq enfants, traducteur de Stephen King, il s’est attelé à déconstruire la vision héroïque de l’histoire nationale. Alors que l’Islande se conçoit comme la plus vieille démocratie du monde – l’État libre islandais, avant de basculer sous la coupe de la couronne danoise, est censé avoir vu le jour vers 900 apr. J.-C. –, il a montré que le premier parlement, loin d’être une assemblée démocratique, était une simple réunion de chefs de tribus. Mais cette vision réaliste et critique des grands mythes de l’île est entrée en résonance avec une opinion publique qui doute de l’exceptionnalisme islandais depuis la crise financière de 2008. « J’ai le devoir comme historien, mais encore plus en tant que président, de raconter notre histoire objectivement, honnêtement, parce que nous ne ferons que souffrir et nous leurrer si nous le faisons d’une autre manière, affirme-t-il. Nous vivons sur une vision des Islandais incarnant le peuple le plus audacieux – des descendants des Vikings qui n’auraient jamais hésité à entrer dans des eaux inexplorées –, alors qu’en fait, c’est parce qu’ils étaient stupides et doués pour emprunter de l’argent que nos ancêtres étaient courageux. Cela n’avait rien à voir avec les Vikings qui étaient des salauds meurtriers, en plus d’être des voyageurs et des explorateurs. » Même si la fonction présidentielle est essentiellement protocolaire, Guðni Jóhannesson entend renouveler la Constitution écrite et consulter davantage ses concitoyens. En politique comme au football, le « jouer-vrai » semble porter ses fruits.

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