Décryptage

Grandiloquence en démocratie

Frédéric Schiffter publié le 3 min

Contrairement aux idées reçues, la grandiloquence n’a rien d’aristocratique. Elle est, au contraire, l’apanage d’une société où le sens des hiérarchies et des nuances a été aboli. Tel est le point de vue que soutient le philosophe Frédéric Schiffter.

Contrairement à une vulgate établie par Platon, les sophistes ne furent en rien des illusionnistes du langage.  Au contraire. S’ils enseignaient tous les « trucs » de la rhétorique, c’était pour aiguiser la méfiance du citoyen à l’égard des discours farcis de beaux principes ou de beaux sentiments, mais vides de sens, qu’il entendait en toute occasion sur l’agora. Déniaisé par leur pédagogie, le citoyen avait l’oreille fine pour repérer dans les paroles d’un orateur – candidat à une charge, à un commandement, à un magistère – un air de pipeau ou des vents de bouche.

Nous avons oublié la leçon des sophistes. Car le problème de notre société de masse n’est pas tant que les démagogues fassent main basse sur l’Etat, mais que tout le monde exerce son droit à la parole dans un laisser-aller général à la grandiloquence, autorisant les mots à manquer à leur fonction de désignation précise et adéquate des choses.

Expresso : les parcours interactifs
Mes amis, mes amours...
Notre amour peut-il aussi être notre ami (et inversement) ? Vaste question, qui invite à analyser le rôle de l'amitié dans les relations amoureuses.
Sur le même sujet
Article
22 min
Zhao Tingyang

Face à l’influence des réseaux sociaux et des intérêts privés, la démocratie semble vaciller. Paradoxalement, c’est un philosophe chinois, Zhao…

Prêts pour la “démocratie intelligente” ?



Article
10 min
Victorine de Oliveira

L’auteur de l’“Éthique à Nicomaque” a fait de l’amitié et du juste milieu le socle de toute démocratie. Il nous fait comprendre pourquoi la démesure – que ce soit dans nos désirs de biens matériels ou dans l’écart entre ultra…


Article
17 min
Philippe Garnier

Face au terrorisme, comment répliquer sans verser dans l’autoritarisme ? Alors que le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve voit le droit comme l’outil le plus précieux de la démocratie, la philosophe Cynthia Fleury lui fait part…