Gims et l’Égypte antique : “Le chanteur entend s’inscrire dans une longue tradition d’égyptomanie”
En affirmant que les pyramides d’Égypte étaient des « foutues antennes » et que les Égyptiens « avaient l’électricité », le chanteur Gandhi Djuna, dit Gims, a suscité moquerie et mépris. Pour le jazzman Raphaël Imbert toutefois, on oublie un peu vite qu’une égyptomanie futuriste infuse l’histoire de la musique afro-américaine, des origines du jazz au rap d’aujourd’hui. Il nous raconte pourquoi tant de musiciens se considèrent, depuis des décennies, un peu comme des Égyptiens.
Que vous inspire la polémique déclenchée par les propos du chanteur Gims sur l’existence d’électricité à l’époque de l’Égypte ancienne où les pyramides, coiffées d’or, auraient servi d’antennes ?
Raphaël Imbert : Ces propos, délirants historiquement, m’ont fait beaucoup rire, tout comme les montages humoristiques qu’ils ont engendrés sur les supposés compteurs Linky au temps des pyramides ! Il n’y avait évidemment pas d’électricité dans l’Antiquité ni d’or au sommet des pyramides. Mais Gims n’est pas un historien, c’est un chanteur de rap mainstream. Et il sait ce qu’il fait, car on oublie de préciser qu’il se réfère dans l’entretien à l’« empire » de Koush [en réalité un royaume], à l’origine de la 25e dynastie des pharaons « noirs » du royaume de Napata. On voit également qu’il fait cela avec un certain sens du marketing ! Et ses propos, que de bons esprits rationnels dénoncent légitimement mais avec une certaine condescendance post-coloniale, comme un concentré de bêtise complotiste, s’inscrivent à vrai dire dans une longue tradition au sein de la communauté musicale noire, où l’Égypte est fantasmée depuis longtemps comme le passé et l’avenir de la civilisation.
Quel est cet héritage ?
Dans cette tradition afrocentriste, où se mélangent des revendications politiques, spirituelles et scientifiques souvent mal digérées, l’Égypte incarne une origine mythique mais partagée : c’est la première grande civilisation, une civilisation qui a peut-être inventé la science, la philosophie et la musique… et c’est une civilisation noire et métisse. Compte tenu de cette tradition, je n’ai donc pas été tellement surpris par les propos de Gims. Et j’y vois la tentative assez maladroite et touchante d’un musicien de se « racheter », de retrouver du crédit auprès de la frange radicale du rap où il est souvent accusé d’avoir pactisé avec le mainstream populaire et commercial. S’inscrire ouvertement dans cette mythologie, c’est se reconnecter à une tradition, se donner une légitimité politique et culturelle sous le mode d’une affiliation au courant afrocentriste. C’est ce qui conduit aussi Gims, dans ce même entretien, à s’honorer d’avoir été invité par Emmanuel Macron à participer aux événements autour de l’Afrique… et d’avoir refusé. Et à avouer, assez honnêtement, qu’il devrait sans doute investir davantage, comme entrepreneur culturel, sur le continent africain. D’ailleurs, l’interview a été menée sur la chaîne YouTube OuiHustle, qui affiche comme volonté de donner la parole à tous les artistes ou les personnalités de la diaspora africaine – des plus populaires, comme l’acteur Omar Sy, aux plus problématiques, à l’instar de Kémi Séba [suprémaciste noir condamné pour antisémitisme].
“Dans la tradition afrocentriste, l’Égypte incarne une origine mythique mais partagée : celle de la première grande civilisation, qui s’avère noire et métisse”
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