Gad Elmaleh. « Les gens les plus drôles sont souvent ceux qui ont le plus peur »

Gad Elmaleh, propos recueillis par Philippe Garnier publié le 6 min

Quand des philosophes parlent du rire, c’est rarement drôle. Est-ce que la théorie tue l’humour ?

Gad Elmaleh : Je ne crois pas que le comique soit la raison d’être de la philosophie. En revanche, il suffit d’une observation très pointue, comme on en trouve dans Le Rire de Bergson, pour me faire rire, ou plutôt sourire. Par exemple, lorsque Bergson dit qu’il n’y a de comique que dans l’humain, qu’on ne rit jamais devant un paysage, ou bien qu’on rit d’un chapeau parce qu’on pense à la tête de celui qui l’a porté…

 

Le rire va-t-il plus vite que la pensée ?

Si l’humour va vite, c’est qu’il est plus immédiatement lié à l’émotion. Il jaillit souvent de la timidité, de la peur, de la colère… et là, ça peut être fulgurant. Je remarque que les gens les plus drôles sont souvent ceux qui ont le plus peur. Tout le monde s’exclame : « Quelle repar­tie ! », alors qu’ils sont simplement paranoïaques. Le sens de la repartie n’existe pas plus que celui de l’improvisation. Ceux qui sont censés l’avoir imaginent des ripostes à longueur de journée : « Si on me dit ça, alors moi je dis ça… » C’est un travail intérieur permanent. Il y a quand même une lenteur qui précède la fulgurance.

 

« Il faut toujours se demander ce que racontent les blagues, ce qui les anime »

Gad Elmaleh

Au fil des années, vos personnages sont devenus moins angoissés, mieux dans leur peau. Est-il plus difficile de les faire vivre sur scène ?

Non, cela ne change rien. Dans le one-man show, le spectateur observe mes allées et venues avec le personnage. La jubilation provient du dédoublement, de la mise en abyme. Je joue un mec qui n’est pas moi comme s’il s’agissait de moi, mais ce pourrait être vous. Les caractéristiques du personnage ne comptent pas tellement. Ce qu’il faut, c’est un point de vue, une exagération. À moi de montrer que celui qui semble aller bien ne va pas bien du tout !

Expresso : les parcours interactifs
Kant et le beau
​Peut-on détester une œuvre comme « La Joconde » ? Les goûts et les couleurs, est-ce que ça se discute ? À travers cet Expresso, partez à la découverte du beau et du jugement du goût avec Kant.

Sur le même sujet


Article
3 min
Jean-Marie Durand

Quand un humoriste, Jos Houben, et un philosophe, Christophe Schaeffer, dialoguent, c’est pour parler du rire, bien sûr, de ce qui, en lui,…

Le rire, un art de vivre ?

Article
9 min
Philippe Garnier

Le comique voyage de façon imprévisible. Il y a quelques années, j’emmène mon fils âgé de 10 ans voir un film des Marx Brothers : seuls les quadragénaires hurlent de rire, sous l’œil perplexe des enfants. Deux ans plus tard, je suis…


Dialogue
10 min
Suzi Vieira

Olivier Mongin explore inlassablement une société postmoderne où le rire est de rigueur. Un pied en France, l’autre en Algérie, Fellag entrechoque les langues pour mieux les réunir. Entre humour et gravité, ils démontent les ressorts de…


Article
2 min
Martin Legros

Elle allume les politiques dans le 7/9 de France Inter et en conclusion de L’Émission politique de France 2, et passe l’actualité au tamis de l’humour dans son émission quotidienne sur la radio publique, Par Jupiter ! Charline…


Article
11 min
Alexandre Lacroix

J’ai peur. Vous avez peur. Nous avons peur… Nous vivons, semble-t-il, à une époque où la hausse tendancielle du niveau de la frousse fait loi.


Article
10 min
Catherine Portevin

« Même pas peur ! » Au lendemain des attentats du 13 novembre, la déclaration sonnait comme une façon de conjurer notre effroi face à l’horreur. C…

Le courage d’avoir peur