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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Stade de France (Saint-Denis), le 10 juillet 2016. Le sélectionneur de l’équipe nationale du Portugal Fernando Santos (au centre) célèbre avec ses joueurs la victoire du Portugal contre la France au championnat d’Europe UEFA de football 2016. © Guo Yong/NurPhoto via AFP

Le distinguo

France-Portugal : la revanche, une saine vengeance ?

Ariane Nicolas publié le 23 juin 2021 4 min

Si vous avez suivi l’Euro de football de 2016, vous gardez peut-être un très mauvais souvenir de la finale. L’équipe de France a en effet perdu 1-0 à domicile, contre une équipe du Portugal peu inspirée, qui s’était d’ailleurs hissée à ce stade de la compétition à grand renfort de victoires laborieuses aux tirs au but. Pour les supporters français les plus enflammés, c’était une défaite rageante et perçue comme injuste, les Bleus ayant indubitablement fourni un football plus convaincant tout au long de la compétition.

Autant dire que pour le match France-Portugal de l’Euro « 2021 » (officiellement toujours « Euro 2020 »), ce soir à 21 heures, les soutiens des Bleus n’ont qu’un mot en tête : revanche ! Il s’agit non seulement de gagner, mais pourquoi pas aussi, de punir les Portugais, en les privant d’une qualification pour les phases finales… Mais cet esprit de revanche est-il vraiment légitime ? N’est-il pas périlleux d’alimenter ainsi un esprit de vengeance – passion triste et même préjudiciable pour le vivre-ensemble ? Voici pourquoi, en y regardant de plus près, la revanche n’est pas la vengeance. Elle est peut-être même son vertueux contraire.

 

  • Dans la plupart des sociétés, la vengeance est interdite et seule la justice doit régner. La loi du Talion (« œil pour œil, dent pour dent ») incarne l’esprit de vengeance : on subit un affront, perçu comme injuste, et l’on rend la pareille sans faire appel à un tiers qui permettrait de faire retomber la tension. Apparemment respectueuse d’un principe d’égalité, la vengeance comporte en fait un risque immense, décrit par René Girard dans La Violence et le Sacré (1972) : elle ouvre un cycle de violence perpétuel, car elle ne fait que déplacer l’injustice première sans la dépasser : « La vengeance constitue un processus infini, interminable », écrit-il. La loi doit donc se substituer à la vengeance pour mettre fin à ce cercle vicieux : « C’est le système judiciaire qui écarte la menace de la vengeance. Il ne la supprime pas : il la limite effectivement à une représaille unique dont l’exercice est confié à une autorité souveraine et spécialisée dans son domaine. Les décisions de l’autorité judiciaire s’affirment toujours comme le dernier mot de la vengeance. » Après le coup de marteau du juge, l’affaire est réglée !
  • Mais vouloir « sa revanche » au football, est-ce vraiment vouloir « se venger » ? Le vocabulaire courant témoigne du fait que revanche et vengeance ne renvoient pas à la même chose. On serait gêné si l’on lisait à la une de L’Équipe : « Vengeance ! » à propos du match France-Portugal. Le sport n’est pas la guerre ! Alors que le mot de « revanche » semble tout à fait approprié. On peut sans doute expliquer cette distinction par le fait que la notion de justice n’a pas cours dans le sport. S’il y a bien des règles à respecter, c’est pour assurer un cadre commun et une forme d’ordre. Mais le souci de justice n’entre pas en compte : ce qui motive le sport, outre le plaisir de partager un moment agréable et de faire travailler son corps, c’est la victoire. Et cette victoire peut être injuste. Cela fait partie du jeu. Celui qui gagne, c’est le plus fort – et pas le plus méritant, le plus valeureux ou le plus nécessiteux. Le sport ne vise pas l’égalité, mais la reconnaissance de la supériorité d’une entité sur une autre. On revient donc à un système pré-judiciaire, où la force a le droit de l’emporter et où les passions peuvent librement s’exprimer. Les « mauvais perdants » sont précisément ceux qui cherchent à voir de la justice dans un domaine où elle n’intervient pas.
  • Dans le sport, la revanche n’aurait donc rien de condamnable. Contrairement à la vengeance, qui peut menacer à terme l’existence de la société, la revanche est comme une vengeance sublimée, que l’on peut reconduire à l’infini. Si la France gagne ce soir, le Portugal voudra sûrement jouer « la belle », mais de façon inoffensive : la société ne risquera pas de disparaître à cause de la violence  – du moins, c’est la condition sine qua non pour que les matchs puissent être disputés. Ainsi, ce qui est condamné dans la vengeance, à savoir son caractère infini, est précisément ce qui est valorisé dans la revanche : on aime avoir un adversaire à qui se mesurer régulièrement. Tout infini n’est pas mauvais ! Si l’équipe du Portugal l’emporte ce soir, elle n’aura aucune dette supplémentaire envers la France. Il faudra seulement attendre la prochaine rencontre pour que « l’honneur » (sportif) de la France soit retrouvé. On peut donc dire que la revanche renvoie à la notion de vérité (qui est le plus fort ?), alors que la vengeance relève du domaine de la justice (qui a le droit de gagner ?). Si jugement il y a, au football, ce ne peut être que celui de l’arbitre… ou de l’histoire. 
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