Et si nous n’avions (presque) tous rien compris à la biologie ?
Thierry Hoquet publie Le Nouvel Esprit biologique (PUF, 2022), dans lequel il analyse la façon dont les concepts biologiques absorbent des mythes véhiculés par la société, nous faisant oublier à quel point les conclusions des recherches contemporaines renversent nos représentations du vivant.
Vous partez de ce constat : le profane loupe tout le vif de l’esprit biologique dont nous nous approprions les concepts pour y projeter des fantasmes, des idées fausses ou galvaudées. Par exemple, nous pensons en général que le vivant se divise en espèces bien définies…
Thierry Hoquet : Pour la biologie, le concept d’espèce reçoit tellement de définitions différentes qu’on a pu se demander s’il était vraiment utile et si l’on ne ferait pas mieux de le remplacer… Longtemps, les espèces sont passées pour des créations divines : des essences ou des types dont les individus sont les exemplaires, ou bien des boîtes où les individus viennent se ranger. Pourtant, même chez des auteurs jugés « fixistes » comme Carl von Linné, l’espèce perd facilement la clarté que semble lui attribuer le récit de la Genèse : les phénomènes d’hybridation et de monstruosité jettent le trouble. Avec la théorie de l’évolution, l’espèce devient fluente, le produit d’une longue histoire faite de contingences. Mais on oublie vite cette leçon anti-essentialiste de Charles Darwin. Quand, par exemple, on montre à un enfant ce qu’est un chat ou chien, on ne lui apprend pas la biologie mais à reconnaître, à associer une image à un mot et un son. Par contraste, le grand enseignement de Darwin est qu’il n’y a pas de critères a priori qui permettent de caractériser ce type particulier de catégories qu’on appelle « espèces », par opposition à d’autres catégories (variétés, genres, ordres, familles…). Quoiqu’on ne puisse la fonder dans un ciel idéal, il ne faut pas pour autant renoncer à former des regroupements nommés « espèces », qui sont bel et bien réels. Mais ses contours sont flous : être un citron, par exemple, cela peut vouloir dire être jaune, acide, avoir tel nombre de pépins – mais on peut être vert, doux ou sans pépin et rester néanmoins un citron. Les cas limites et les exceptions sont nombreux. L’espèce devient un ensemble de propriétés, admettant une part de variabilité : un « bouquet homéostatique de propriétés », comme le dit Richard Boyd.
“Pour la biologie, le concept d’espèce reçoit tellement de définitions différentes qu’on a pu se demander s’il était vraiment utile et si l’on ne ferait pas mieux de le remplacer”
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