Épisode 5 : les féministes et la Commune
Il y a cent cinquante ans, le 18 mars 1871, alors que le Second Empire s’effondrait après sa défaite contre la Prusse, une insurrection de Parisiens donne naissance à un régime politique nouveau : la Commune de Paris. Cette expérience démocratique inédite a fasciné les philosophes de l’époque, qu’ils aient participé au mouvement de l’intérieur ou observé son déroulé de l’extérieur. Retour sur leurs témoignages et leurs analyses, souvent divergentes, dans notre fresque historique en cinq épisodes.
Après les marxistes, les anarchistes, les socialistes et radicaux et les montagnards, aujourd’hui, pour le dernier épisode : les femmes dans la Commune.
- Sur les barricades, auprès des blessés, dans les écoles, dans les clubs de réflexion : les femmes sont sur tous les fronts – sauf au sein du Conseil municipal – tout au long de la Commune. Certaines sont prolétaires (Béatrix Excoffon, Blanche Lefebvre, Malvina Poulain), d’autres exercent des professions intellectuelles (Victorine Eudes, Marguerite Tinayre). Certaines sont socialistes (Paul Mincke), d’autres anarchistes (Louise Michel, Victorine Brocher), d’autres marxistes (Élisabeth Dmitrieff), d’autres encore sont banquistes (Adèle Esquiros). Mais elles s’accordent sur certaines revendications essentielles, qui sont parfois adoptées par le Conseil municipal : reconnaissance de l’union libre, facilitation du divorce, égalité salariale et égalité d’accès à l’éducation. Mais les femmes n’obtiennent toujours pas l’égalité politique – et sa traduction la plus évidente, le droit de vote.
- Pour faire entendre leurs voix, les femmes insurgées créent des organisations. Elles mettent notamment en place l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, fondée par Elisabeth Dmitrieff et Nathalie Lemel (« Toute ma vie j’ai travaillé à l’amélioration du travail des femmes », écrit cette dernière). L’organisation donne le ton dans une publication du 14 avril : « La Commune, représentante du grand principe proclamant l’anéantissement de tout privilège, de toute inégalité, par là même est engagée à tenir compte des justes réclamations de la population entière, sans distinction de sexe, distinction créée et maintenue par le besoin de l’antagonisme sur lequel reposent les privilèges des classes gouvernantes. » Les femmes investissent aussi les journaux – La Sociale, La Patrie en danger, et surtout Le Cri du peuple, où elles appellent, le 4 avril, à se rendre à Versailles comme l’avaient fait les femmes de 1789. Huit jours plus tard, elles exigent « que la Commune ouvre donc immédiatement aux femmes trois registres sous ces titres : Action armée, Postes de secours aux blessés, Fourneaux ambulants. »
- La Commune est ainsi un lieu important d’émergence de la première vague du féminisme. Cependant,Ce féminisme communard ne tombe pas du cie : il prend racine dans des mouvements d’émancipation qui naissent à la suite de la Révolution française, avec la création de périodiques comme La Femme libre (1832), d’inspiration saint-simonienne. Ces mouvements s’épanouissent sous le Second Empire. Citons, notamment, l’Association pour l’amélioration de l’enseignement des femmes (1866) et la Société pour la revendication des droits civils de la femme (1869), fondées par André Léo (nom de plume de Victoire Léodile Béra), qui écrit ces mots lors de l’insurrection : « Nous n’avons pas de politique à faire, nous sommes humaines, voilà tout. » Ou encore le journal Le Droit des femmes lancé par Léon Richer en 1869.
- Même si elle n’obtiennent que tardivement la création d’une légion de « citoyennes volontaires », les communardes jouent un rôle déterminant lors de la Semaine sanglante qui voit l’écrasement de la Commune. 120 d’entre elles parviennent, notamment, à retarder les troupes du général Clinchant place Blanche, avant de devoir se retirer. « Plus de dix mille femmes aux jours de mai, éparses ou ensemble, combattirent pour la liberté », raconte Louise Michel. Elles paieront leur engagement au même titre que les hommes : sur les 20 000 victimes, on compte 4 000 femmes. Un millier est emprisonnée avant d’être jugé – seule la femme de lettres Maria Deraismes prendra leur défense.
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