Éoliennes : de l’électricité dans l’air…
Peut-on brasser du vent ? C’est la question que s’est posée aujourd’hui Cédric Enjalbert, alors que s’est ouvert ce matin un premier Conseil de défense énergétique, à l’initiative d’Emmanuel Macron.
« “Le Conseil de défense et de sécurité nationale aura pour objectif de faire le point sur la situation ainsi que sur les scénarios envisagés pour se préparer à tous les cas de figure cet automne et cet hiver”, a annoncé un conseiller de l’Élysée à l’Agence France-Presse. Il se trouve que cet hiver, le premier parc éolien en mer français entrera justement en service, et je l’ai vu cet été en rendant visite à mes parents sur la côte Atlantique. Au large, le long d’une côte dite “sauvage” entre Le Pouliguen et Le Croisic – ici, la mer se fracasse contre les rochers découpés et la dureté du granit –, l’horizon familier s’est métamorphosé. Un champ d’éoliennes clignote désormais à l’horizon. Ces quatre-vingts moulins mesurent chacun une demi-tour Eiffel. 180 mètres de haut, visibles à une douzaine de kilomètres depuis la côte.
Je n’aurais jamais imaginé que les travaux puissent aller si vite. Débutés fin 2021, ils se sont accélérés au printemps avec la pose des premières hélices. Hier, jeudi 1er septembre, le navire Vole au vent a quitté le port de Saint-Nazaire avec les quatre dernières éoliennes à monter. L’ensemble sera opérationnel en décembre et fournira 20% de l’électricité de la région Loire-Atlantique, soit la consommation électrique annuelle de 700 000 personnes. Six autres parcs sont prévus d’ici 2028 à Fécamp, à Noirmoutier, à Saint-Brieuc, à Courseulles-sur-Mer, à Dieppe et Dunkerque. Je me suis ému de cette artificielle limite posée à l’infini océanique. J’imagine que pour les riverains, dont la fenêtre s’ouvre sur l’horizon depuis toujours, ce changement n’est pas anecdotique. Les élus locaux dénoncent d’ailleurs le préjudice en termes touristiques. Le paysage est effectivement dénaturé, et je peux comprendre que certains éprouvent une forme de “solastalgie”, selon le terme emprunté au philosophe Glenn Albrecht, c’est-à-dire la perte du sentiment rassurant qu’on éprouve à la vue d’un panorama familier et la détresse causée par la dégradation de nos écosystèmes. Pourtant, j’ai aussi admiré la prouesse des ingénieurs, sinon la beauté technique de leurs engins… au point de nourrir un certain agnosticisme sur le sujet : certains les trouveront belles, d’autres flagrantes, selon le rocher d’observation. Personnellement, je ne sais qu’en penser.
Une question demeure : peut-on mettre sur le même plan des argument esthétiques, écologiques et géopolitique, ou faut-il les hiérarchiser ? Est-il moins important de défendre la beauté du paysage que notre indépendance énergétique, voire notre avenir ? Là aussi, le scepticisme conduit à suspendre les jugements hâtifs. On peut leur préférer une résolution pragmatique. L’expérience invite en effet à sortir des positions de principes, pour ou contre. Instigateur du pragmatisme de l’autre côté de l’Atlantique, le philosophe John Dewey était un penseur de la démocratie. Est juste selon lui non ce qui est décrété par les experts, rationnellement, mais ce qui est décidé collectivement, après enquête, information et concertation du “public”. Vaut ce que valide l’expérience, conçue comme “une libre interaction d’êtres humains individuels avec les conditions de leur environnement, en particulier l’environnement humain, qui développe nos besoins et nos désirs et les satisfait en contribuant à la connaissance des choses telles qu’elles sont”. Cette “culture démocratique” a-t-elle fait ses preuves dans la baie de Saint-Nazaire, où le projet semble avoir globalement été accepté ? Et ailleurs sur la côte ? »
Vous pouvez également retrouver nos billets dans votre boîte aux lettres électronique en vous abonnant gratuitement à notre infolettre quotidienne.
En 2021, en France, les éoliennes sont toujours loin de faire l’unanimité. Malgré le projet de défense de la nature qu’elles soutiennent a priori,…
Les éoliennes nous choquent-elle parce que leur esthétique est en désaccord avec le paysage ou, au contraire, leur contraste et utilité deviennent…
Alors que la communauté internationale vient de s’engager, lors de la COP28 à Dubaï, pour une « transition hors des énergies fossiles…
La déplétion des écosystèmes terrestres et le réchauffement climatique secouent l’esthétique environnementale, une discipline méconnue qui a pris son essor il y a quelques décennies. Et posent une question de fond : notre…
Richesse des graphismes, modélisations 3D de haut vol, mondes « ouverts » envoûtants : les jeux vidéo suscitent une expérience…
Analyse des termes du sujet « Peut-on ? » Est-ce possible ou est-ce légitime ? « être insensible » Ne pas s’intéresser à ou ne pas être touché par. « beauté » La beauté formelle, la valeur ou la…
Alors que Netflix adapte l’univers de sa saga post-apocalyptique Le Transperceneige, dont vient de paraître un nouvel opus, “Extinctions,…
Opposée à la culture, la nature (mot issu du latin nascor : naître) est une notion fortement équivoque qui décrit à la fois un processus et un résultat, l’essence des choses et le monde qui les entoure (appelé alors : Nature,…