Duras: un “ogre existentiel” s'expose
«Quelquefois, je faisais des articles pour les journaux. De temps en temps, j’écrivais pour le dehors, quand le dehors me submergeait, quand il y avait des choses qui me rendaient folle, outside, dans la rue.» Cet exergue inscrit au fronton d’un large mur teint en bleu de méthylène par l’artiste Thu Van Tran vaut comme ligne de force de l’exposition présentée à la BPI. Petite par la taille, mais riche par son contenu, elle tient dans un cube : sur les faces extérieurs de ce module, outside, la vie publique, mondaine et politique de Marguerite Donnadieu, dit Duras ; à l’intérieur, inside, le cabinet d’écriture, le laboratoire de l’écrivain, du dramaturge et du cinéaste. Dans cet antre épuré – évoquant par sa forme et ses couleurs la vision fantasmatique de l’auteur depuis son appartement de Trouville avec vue imaginaire sur le Mékong de sa jeunesse – sont présentés des manuscrits, des entretiens filmés, des enregistrements et une pièce maîtresse: la version intégrale du manuscrit d’India Song, en quatre-vingt feuillets annotés d'infinis repentirs et de corrections multicolores.

Esquisse d’une affiche de film (peinture) Marguerite Duras © Fonds Marguerite Duras / IMEC
Inside-outside, intérieur-extérieur: pas de réelle opposition dans les faits. Ce sont les deux faces d’une même œuvre et d’un même artiste. Car si Jean-Max Colard, critique d’art et maître d’œuvre de l’exposition, écrit avoir voulu réaliser non « une exposition sur Marguerite Duras » mais « le portrait de son œuvre, de son écriture », qu’est-ce que l'œuvre de l'écrivain, sans la mémoire de ses engagements et de ses amitiés, sans son compagnonnage au parti communiste, sans son intimité avec François Mitterrand, sa fréquentations des intellectuels Edgar Morin, Jean-Pierre Vernant, Georges Bataille, Maurice Blanchot ou Maurice Merleau-Ponty... sans son engagement contre la guerre d’Algérie et aux côtés de Jean Genet lors des évènements d'après Mai-68? Inversement, qu’aurait été La Douleur (1985) sans le retour de son compagnon, le résistant Robert Antelme, du camps de Dachau, et Un barrage contre le Pacifique (1950), India Song (1975) ou L’Amant (Prix Goncourt en1984) sans son enfance en Indochine ?
Habilement, l’exposition relie indéfectiblement, tout en les distinguant, ces deux versants du massif durassien: les sorties publiques au recto, l’écriture intime au verso. Tous les poncifs sur l’auteur ne sont heureusement pas écartés – où l’on retrouve cette écriture du silence habitée par l’absence qui tend à faire de Duras une phraseuse – et cette « adaptation expositionnelle », selon l'ambition du commissaire, ne s'inscrit pas franchement à « contre-courant du traitement biographique » dominant.
Cependant, la scénographe délicate de ces archives extraites des fonds de l’Institut mémoire de l’édition contemporaine (IMEC) auquel l'auteur confia en 1995 l’ensemble de ses manuscrits, lettres et documents (côtoyant ainsi à l’abbaye d’Ardenne les archives de Jacques Derrida et d’Edgar Morin) et de vidéos issues du fonds de l’INA a une vertu : elle dresse le portrait chinois d’un « ogre existentiel ».
La formule revient au philosophe Mehdi Belhaj Kacem, grand lecteur de Marguerite Duras. Selon lui, elle n’est pas cette « intellectuelle soporifique » à laquelle les plus critiques la confinent. Il y a en elle, « non seulement le génie, l’acuité permanente au détail, l’intelligence sensitive, la créativité illimitée, écrit-il ; mais encore, à point nommé, la monstruosité, la mégalomanie, le narcissisme, la cruauté, l’alcoolisme, l’hystérie… » Tout y est et ce « portrait d'une écriture » réunit les deux faces de Duras, inside-outside.
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