Les vaccins

Du bon usage des maux

Anne-Sophie Moreau publié le 5 min

En bons thérapeutes, les philosophes ont aussi inventé quelques vaccins. Cette fois, il s’agit de vaincre le mal par le mal, c’est-à-dire d’expérimenter une attitude dangereuse qui, mal contrôlée, paralyserait le jugement, l’action ou la vie sociale. Cependant, assumé et maîtrisé, ce risque mène au rétablissement définitif.

 

Quand l’angoisse nous libère : Que faire quand tout est possible ? Assumer notre humanité !

Il n’y a d’angoisse que chez l’homme libre. Je peux être ceci ou cela : le choix dépend de moi, la manière dont j’affronterai ses conséquences aussi. Voilà qui est angoissant, bien plus que de se laisser porter par le destin. Cette angoisse peut devenir paralysante. Dans La Transcendance de l’ego, Sartre évoque une femme hantée par une peur phobique de se rendre à sa fenêtre. Elle est traumatisée, non par sa fenêtre, mais par ce qu’elle pourrait y faire : en l’occurrence, héler les passants comme une prostituée. C’est donc bien sa liberté qui la traumatise, cette liberté qui, résume Sartre, peut être « monstrueuse ». C’est bien d’elle que nous avons peur lorsque, sur le quai du métro, nous faisons un pas en arrière parce que nous venons d’entrevoir, dans une bouffée d’angoisse, que nous pourrions pousser notre voisin sous les roues du métro. De même l’homme en proie au vertige n’a-t-il pas peur du vide, mais de ce qu’il pourrait faire au bord du vide. L’angoisse alors le fige : trop lui faire éprouver sa liberté la lui ôte d’un coup.

Mais à petite dose, cette angoisse peut être salutaire : elle nous rappelle à notre liberté, nous faire éprouver la grandeur du champ des possibles d’une existence humaine, nous immuniser contre un rapport animal au monde, où nous n’aurions pas le choix entre ceci ou cela, entre le Bien et le Mal, où toutes nos actions obéiraient simplement au code naturel de notre espèce. En ce sens, c’est bien contre un retour à l’animalité que l’angoisse nous vaccine.

Expresso : les parcours interactifs
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