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Manchots empereur sur la banquise entre deux icebergs. Base Dumont-d’Urville (Antarctique), 2009. © Guillaume Pépy/hanslucas.com

Dernières nouvelles de l’Antarctique

Sven Ortoli publié le 22 septembre 2022 4 min

Au menu du billet de Sven Ortoli : fable avec pingouins, harcèlement sexuel, tourisme du désastre et autres aberrations du pôle Sud. Et pour morale provisoire (en latin de sa cuisine), aberrare humanum est, et in Antarcticum idem, que l’on peut traduire tout aussi approximativement par : “Là-bas, il y a aussi des porcs.”

 

« Pour mémoire, je rappelle que, vu d’ici, l’Antarctique est en bas de la carte. En haut, c’est l’Arctique (peuplée depuis un millier d’années). En revanche, et avant 1821, aucun humain n’avait posé le pied dans le grand désert du Sud, 14 millions de kilomètres carrés autour du pôle. Avec la zone maritime qui lui est rattachée – 32 millions de kilomètres carrés, soit presque 10 % de la surface totale des océans –, cela représente peu ou prou 9 % de la surface du globe. À la louche, 5 000 hommes et femmes se répartissent entre les diverses bases, mais la base américaine de McMurdo est de loin la principale avec plus de 1 600 personnes en été et autour de 400 en hiver.

C’est elle qui concentre les critiques accablantes du rapport publié en juin 2022 par la National Science Foundation sur le comportement d’une partie du personnel états-unien mâle en Antarctique. Il dénonce une culture de domination masculine (alors qu’en recherche polaire plus de 50 % des jeunes entrant[e]s sont dorénavant des femmes), sous la tutelle d’une hiérarchie, elle aussi largement masculine et d’autant plus encline à considérer que “boys will be boys” et que “ce qui se passe en Antarctique doit rester en Antarctique”. Les conditions d’extrême isolation et le décalage temporel font le reste : le premier jour de son arrivée à la base principale McMurdo, une femme raconte avoir été avertie d’éviter certains buildings, “sauf si j’avais envie d’être violée”, tandis que, selon l’étude, 72 % des femmes se sont plaintes de harcèlement systématique. En résumé, l’atmosphère y est hautement toxique. Un comble, vu qu’à McMurdo comme dans la plupart des bases dont celle (plus modeste et lointaine) de Dumont d’Urville, on fait avant tout de la climatologie (étude des rivières atmosphériques, histoire du climat, etc). Il est vrai qu’il y a également des océanographes, biologistes, géophysiciens et astrophysiciens, des marins, des plombiers, médecins, infirmiers, radios, barmen, cuisiniers et travailleurs de tout poil. 70 % d’hommes, 30 % de femmes dans ce village global en miniature. Où tout le monde se connaît et où tout se sait. Et où tout se tait. Par peur des représailles. Comme ici, en somme !

Microcosme, macrocosme, la sociologue Meredith Nash (de l’université de Tasmanie, en Australie) a noté que ce qui se produit sur une base de l’Antarctique est largement identique à ce qui se pratique dans le milieu académique des Stemm (science, technology, engineering, mathematics, and medicine) et n’est dépassé en intensité que dans le milieu militaire.

Avec cela, où sont les pingouins promis et les aberrations écologiques, me direz-vous ? Alors, déjà, il ne s’agit pas de pingouins mais de manchots. Et ces derniers sont l’objet de toutes les convoitises photographiques des nombreux passagers (70 000 en 2019) des croisières de luxe (“navires 5 étoiles, service chic et sur mesure”) qui cinglent vers le sixième continent. Pour voir quoi ? Pour observer la “marche des empereurs”, admirer la beauté d’un glacier dont on va leur expliquer, avec la gravité qui s’impose, qu’il ressemble au “doomsday glacier”, le “glacier de la fin du monde”, dont le détachement (d’ici trois à cinq ans), puis la fonte devraient élever le niveau des mers de 3 mètres.

Dans son récit de voyage de 1905, Robert Falcon Scott, l’un des explorateurs de l’Antarctique, mort lors de l’expédition suivante, écrit à propos des étendues qui le séparent du pôle Sud que “ce n’est pas ce que l’on voit qui nous inspire de l’effroi mais la connaissance de ce qui s’étend au-delà de nos yeux”. Il parlait au sens littéral des milliers de kilomètres de désert blanc derrière son horizon. Mais on peut l’interpréter métaphoriquement. Le frisson que viennent ressentir les croisiéristes du Grand Sud, c’est celui des touristes de l’Atlantide. “Ce qui s’étend au-delà de leurs yeux”, c’est la catastrophe à venir, ou ce qu’ils en imaginent.

Ceci dit, pour ce type d’aberrations écologiques (ou sexuelles) inutile d’aller au bout du monde, on en croise tous les jours. Tenez, pas plus tard que ce matin, Molly (ouaf) et moi, on se promenait sur le boulevard et nous sommes passés devant un immeuble flambant neuf, végétalisé façon “larges baies vitrées et généreux espaces paysagers extérieurs”. On aurait pu faire partie de la pub – “ici écologie rime avec exception”.

D’ailleurs – on n’est pas de bois –, on en a profité pour se contempler dans le verre bleuté semi-réfléchissant du rez-de-chaussée. “Belle bête”, ai-je dit mezzo voce. Molly a cru que c’était pour elle, la grosse vaniteuse. »

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