Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Le chanteur Stromae en concert le 13 novembre 2014. © Quinet JM/Belpress/Andia.fr

Un classique éclaire le présent

De Camus à Stromae : comment échapper à la tentation du suicide

Clara Degiovanni publié le 11 janvier 2022 3 min

C’était ce qu’on appelle « un moment de télévision ». Dimanche 9 janvier, au JT de TF1, la journaliste Anne-Claire Coudray conclut l’interview de Paul Van Haver, musicien plus connu sous le nom de Stromae, sur cette question : « Dans vos chansons, vous parlez aussi beaucoup de solitude, est-ce que la musique vous a aidé à vous en libérer ? » Une musique démarre. La caméra se fixe sur le chanteur belge et son man bun. L’ambiance devient grave. Stromae entame sa réponse, en chanson : « Je suis pas tout seul à être tout seul », à avoir « des pensées suicidaires ».

Sur TF1 et à une heure de grande écoute, la souffrance psychique est présentée sans fard, comme un sentiment partagé. Elle en devenait moins taboue et un peu moins désespérante, comme dans les écrits d’Albert Camus. Alors que depuis deux jours, les réseaux sociaux (alimentés par certains médias) s’écharpent sur la mise en scène de cette intervention chantée, nous avons préféré nous pencher sur ce que le chanteur avait vraiment dit. Des paroles à la dimension proprement philosophique.

 

  • L’Enfer. C’est le titre d’un des morceaux du nouvel album du chanteur belge – « Multitude » (Mosaert, 2022) à paraître le 4 mars prochain – offert au public du journal de 20h. La chanson, courte et sans détour, porte sur les pensées suicidaires ressenties par l’auteur-compositeur, et plus largement sur le sentiment de solitude qui l’assaille. La solitude devant ce qu’il appelle « la chaîne culpabilité », la solitude face à ses pensées, qu’il ne peut « faire taire » et qui lui font vivre « un enfer », et enfin, la solitude tout court, qui fait qu’il se sent « tout seul », tout le temps.
  • Cette solitude, Albert Camus l’a explorée longuement, notamment dans Le Mythe de Sisyphe (1942). Mais là où le chanteur l’envisage comme « un enfer », mobilisant un registre chrétien, l’écrivain et philosophe athée l’appelle « hostilité primitive du monde ». Elle désigne sous sa plume un univers étranger qui nous échappe constamment, dont on ne comprend plus rien. C’est peut-être ce sentiment de faiblesse et d’incompréhension face au monde que ressent Stromae lorsqu’il regarde « la chaîne culpabilité » à la télévision.
  • De là vient la lassitude, puis la nausée, jusqu’au désespoir et l’envie d’en finir. Le rythme lent et lancinant de la chanson retransmet cette impression d’être englué, empêtré dans quelque chose d’incontrôlable. « Cette épaisseur et cette étrangeté du monde », nous dit Camus, « c’est l’absurde ». Ce sentiment d’absurdité creuse une distance toujours plus grande entre « moi » et « les autres ». Il accroît la solitude et l’angoisse.
  • De prime abord, l’analyse de Camus sur le suicide comme la chanson de Stromae sont très sombres. Et pourtant, elles portent toutes deux une forme d’espoir. Lorsque Stromae dit, à propos du suicide, « que plein d’autres y ont d’jà pensé », il évoque un sentiment paradoxal. Vouloir mourir de solitude, dit-il en substance, c’est indirectement se connecter à tous ceux qui ont un jour été traversés par un désir similaire. Il brise ainsi la solitude face… au sentiment de solitude.
  • « J’suis pas tout seul à être tout seul. Ça fait d’jà ça d’moins dans la tête. » Savoir que la solitude et la souffrance sont partagées constitue donc un allégement de la conscience, nous apprend le musicien. Loin de « se satisfaire du malheur des autres », il s’agit plutôt de se relier à eux, à travers l’expérience partagée de l’absurdité du monde. Camus explore cette détresse collective dans L’Homme révolté (1951), considérant que « le premier progrès d’un esprit saisi d’étrangeté est de reconnaître qu’il partage cette étrangeté avec tous les hommes ». Dans les deux cas, la communauté de l’expérience est salvatrice.
  • Ni Camus ni Van Haver ne sont des apôtres du désespoir, précisément parce qu’indirectement, ils reconnaissent l’universalité de la souffrance. « La réalité humaine, dans sa totalité, souffre de cette distance par rapport à soi et au monde », écrit l’auteur de L’Homme révolté. Ainsi partagé sans fard ni tabou, ce malheur devient un peu plus supportable. Pour reprendre le titre de l’album du chanteur belge, c’est bien la multitude qui sauve du désespoir.
Expresso : les parcours interactifs
Kant et le beau
​Peut-on détester une œuvre comme « La Joconde » ? Les goûts et les couleurs, est-ce que ça se discute ? À travers cet Expresso, partez à la découverte du beau et du jugement du goût avec Kant.

​
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
4 min
Suicide, l'impensé français
Cédric Enjalbert 05 décembre 2014

L’Observatoire national du suicide vient de publier son premier rapport en novembre 2014. L’état des lieux fait ressortir un taux de suicide…

Suicide, l'impensé français

Article
11 min
Marylin Maeso : “Pour Camus, il existe une solidarité dans la solitude”
Victorine de Oliveira 03 juin 2021

La rencontre avec Albert Camus a sauvé la vie de Marylin Maeso. Alors qu’adolescente, elle est hantée par la question du suicide, elle découvre en…

Marylin Maeso : “Pour Camus, il existe une solidarité dans la solitude”

Article
2 min
Albert Camus, la pensée révoltée
26 mars 2013

Albert Camus est à l’honneur dans ce hors-série de Philosophie magazine, qui s’ouvre avec l’absurde de la condition humaine, se poursuit avec un…

Albert Camus, la pensée révoltée

Article
5 min
Les vertus des chansons tristes
Marie Denieuil 21 décembre 2021

Chansons de rupture, de deuil. Chansons sur le temps qui passe, la perte, la solitude. Et si l’on en avait besoin pour « passer à autre chose…

Les vertus des chansons tristes

Article
2 min
Il y a 60 ans mourait Albert Camus
03 janvier 2020

Soixante après sa mort brutale, Albert Camus, le penseur de l’absurde et de la révolte, continue d’inspirer. “Philosophie magazine” lui a consacré…

Hommage à Albert Camus pour le centenaire de sa naissance

Article
3 min
“Le suicide est évitable” selon l'OMS
Cédric Enjalbert 12 septembre 2014

Plus de 800 000 suicides recensés par an, soit un toutes les quarante secondes et vingt fois plus de tentatives : c'est le bilan d'un rapport…

“Le suicide est évitable” selon l'OMS

Article
4 min
Le confinement a-t-il vraiment permis de réduire le taux de suicide en France ?
Batiste Morisson 16 septembre 2022

Pendant le premier comme le second confinement, les taux de suicide en France auraient baissé, respectivement de 20% et de 8%. Une statistique…

Le confinement a-t-il vraiment permis de réduire le taux de suicide en France ?

Article
4 min
André Comte-Sponville : “L’éternité, c’est quand tout s’arrête et que le présent continue”
Alexandre Lacroix 14 juillet 2022

André Comte-Sponville nous a accordé un magistral entretien sur les relations entre lucidité, bonheur et désespoir, que nous publions dans le…

André Comte-Sponville : “L’éternité, c’est quand tout s’arrête et que le présent continue”

À Lire aussi
Stromae/Albert Camus, même combat ?
Stromae/Albert Camus, même combat ?
août 2022
Alex Vizorek. L’humour est son métier
Par Victorine de Oliveira
septembre 2015
Hommage à Albert Camus pour le centenaire de sa naissance
Hommage à Albert Camus pour le centenaire de sa naissance
Par Cédric Enjalbert
novembre 2013
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. De Camus à Stromae : comment échapper à la tentation du suicide
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse