Conseillers d’orientation
Supposons que la philosophie soit un pays. Elle accueillera nécessairement des Bédouins du concept, des sages enracinés et des exilés.
Gilles Deleuze. La pensée nomade
Selon la définition commune, le nomade est celui qui bouge sans arrêt, qui ne supporterait pas de s’implanter quelque part, de prendre racine. Mais Gilles Deleuze ne se rallie pas à cette évidence et il a proposé son propre concept de nomade, aussi déroutant que stimulant. Il avait trouvé chez Arnold J. Toynbee une théorie qui l’avait beaucoup frappé : l’historien britannique fait en effet l’hypothèse que les nomades sont des gens qui ne veulent pas quitter leurs steppes et qui, pour survivre sur un terrain hostile, doivent bouger constamment. Ainsi, le mouvement du nomade ne serait qu’une manière de rester accroché à un territoire, les plaines d’Asie centrale par exemple. Les organisations sédentaire et nomade de l’espace ne seraient donc pas aussi opposées qu’on le croit : la première distribue de l’espace cadastré, découpé en petites propriétés privées, aux humains ; la seconde distribue des humains dans un espace ouvert, sans clôture, lisse. Mais ce ne sont là que des différences formelles, car sédentaires et nomades occupent chacun à leur manière leur territoire. Ce que Deleuze résume ainsi, dans Mille Plateaux : « Le nomade se distribue dans un espace lisse, il occupe, il habite, il tient cet espace, et c’est là son principe territorial. Aussi est-il faux de définir le nomade par le mouvement. Toynbee a profondément raison de suggérer que le nomade est plutôt celui qui ne bouge pas […]. Bien sûr, le nomade bouge, mais il est assis, il n’est jamais assis que quand il bouge (le Bédouin au galop, à genoux sur la selle, assis sur la plante de ses pieds retournés, “prouesse d’équilibre”). »
Le nomade est donc cet être très particulier qui, littéralement, voyage assis. Cette image explique que Deleuze, tout en détestant voyager, se voyait volontiers comme un philosophe-nomade : pour lui, penser, c’était une manière de voyage immobile. Il comparait d’ailleurs volontiers la philosophie à un territoire, à un « pays profond » – pour lui, il y avait une « géo-philosophie ». Sur ce territoire, le philosophe-sédentaire se fait fort de tenir une position. Il tâche de construire une théorie solide, aux fondations assurées et aux volets bien fermés, et se barricade à l’intérieur. Quant au philosophe-nomade, il traverse les constructions théoriques, les cartographie au besoin, mais continue de cheminer, en quête de nouvelles ressources, d’autres lieux où installer un campement provisoire. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas de parvenir à une conclusion mais de trouver la ligne qui permet d’aller d’un point à un autre, afin de poursuivre le mouvement et d’entretenir la passion du devenir.
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