“Comment ne pas être esclave du système”, d’Alexandre Lacroix

Peut-on aujourd’hui à la fois calculer et rêver ? S’enrichir sans être un vendu et avoir un idéal sans être un ascète ? Avoir un pied dans le « système » et l’autre en dehors ? C’est pour résoudre ces déchirements intérieurs qu’Alexandre Lacroix, directeur de la rédaction de Philosophie magazine, romancier et enseignant à Sciences Po, a écrit Comment ne pas être esclave du système, qui paraît aujourd’hui chez Allary Éditions. Ou comment agir avec méthode pour ne pas trahir son idéal – sans devenir grand renonçant pour autant !

• Nous avons changé d’ère… Alexandre Lacroix commence par un bref tableau historique de la modernité et du progrès. Il démontre que nous avons changé d’ère. L’ancienne « modernité séparative est derrière nous », celle qui, depuis Descartes, nous faisait établir de claires distinctions telles que « Âme/Corps », « Nature/Culture », « Public/Privé »… En une trentaine d’années, sous l’effet de la technologie et d’Internet, tout s’est brouillé. Les « oppositions structurantes » ont laissé place, en matière économique, politique, écologique et amoureuse, à un nouveau régime : « la modernité connective ». En chacun sommeille désormais « un technophile et un technophobe, un exhibitionniste aimant parader sur les réseaux sociaux et un gardien jaloux de zones secrètes, un publicitaire et un artiste, un stakhanoviste et un paresseux, un agent de la globalisation libérale et un vagabond céleste ».
• … Et nous risquons de nous y perdre. En effet, ce nouveau régime d’existence est dangereux, car les oppositions qui existaient autrefois en dehors de nous, dans le monde, se sont rapatriées en nous. Ainsi, « la modernité connective est éprouvante pour chacun d’entre nous, dans la mesure où elle transforme les oppositions externes en tensions internes ». À chacun de gérer désormais ses contradictions, « de défendre notre autonomie, de ne pas laisser, en nous, le dominant étouffer le dominé, ni l’optimisateur rationnel étrangler le flâneur désintéressé. » Selon Alexandre Lacroix, trois signes doivent nous alerter du danger, d’une possible atteinte à notre « intégrité psychique » : quand la présence sur les réseaux se transforme en « souci de la publicité » ; quand nous finissons, à force de désynchronisation, par oublier les rythmes du corps et ceux de la nature ; quand, enfin, nos expériences du désir et de l’attente sont altérées par les simples satisfactions immédiates. Alors, que faire ?
• Il faut imaginer une nouvelle philosophie de l’action. S’adapter à cette réalité contemporaine nous pousse à réviser notre philosophie de l’action. Comment ? En trouvant une voie médiane : ni totalement idéaliste – c’est invivable – ni totalement utilitariste – pour ne pas finir cynique. Alexandre Lacroix propose : « Post-utilitariste ». Le post-utilitarisme repose sur une règle simple, il s’agit de « maximiser son profit », oui, mais « sous contrainte d’idéal. » Selon lui, « Au marginal, au flâneur, au dominé, il revient d’énoncer l’utilité idéale. Au calculateur, à l’optimisateur, au capitaliste, de faire en sorte que les choses ne se passent pas trop mal par la suite, que le confort et le bien-être restent accessibles. » Beaucoup, sans doute, sont déjà adeptes de cette doctrine. Mais elle a désormais un nom !

Comment ne pas être esclave du système, d’Alexandre Lacroix, vient de paraître chez Allary Éditions. 112 p., 12,90€, disponible ici.