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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Ilinca Roman/unsplash

Comment j'ai réussi mon “Dry January”

Martin Legros publié le 06 février 2023 4 min

Il l'a fait ! Dans son billet du jour, Martin Legros raconte son mois sans alcool, qui fut loin d’être une sinécure. Face à la menace de l’acrasie, ou faiblesse de la volonté, il a pu compter sur le soutien indéfectible de son entourage… ainsi que sur celui de Hannah Arendt.


« Ce week-end, j’ai mis un terme à l’abstinence à laquelle je m’étais astreint pendant tout le mois, me pliant à cette tendance dite du “janvier sec” (ou, en anglais, “Dry January”), initiée par les services de santé du Royaume-Uni il y a une dizaine d’années. Je ne bois que du vin, pas d’alcool fort. Mais j’en bois régulièrement et abondamment. Et ce ne fut donc pas une partie de plaisir. Malgré la faiblesse de ma volonté, j’ai tenu le coup. Et je vous livre ma recette.

“Alors, tu tiens le coup ?” Depuis que j’ai annoncé à mes proches que j’avais entamé un mois de cure sans alcool, ils n’ont eu de cesse de sonder mes capacités de résistance à ce défi. “Tu me fais rêver”, m’a écrit mon ami Olivier, avant de m’annoncer qu’il préférait qu’on se voie en février – sous-entendu : quand j’aurai retrouvé la raison. Il faut dire que j’ai une passion pour le vin qui touche sans doute à l’addiction, d’un point de vue médical, mais qui, de mon point de vue, a de profondes justifications philosophiques. Comme le disait Nietzsche à propos de l’art, la vie sans ce sublime élixir serait certainement une erreur. J’en suis convaincu, le vin – et le vin nature davantage encore – délie les langues, stimule l’esprit, amenuise les passions tristes, dilate l’amitié, fait pétiller l’amour. Une journée sans apéro, un bon repas sans vin, c’est, à mon sens, une contradiction ou une faute de goût. Il est vrai que l’excès est un problème et qu’il peut être bon de faire des pauses. Mais, et ce n’est pas nouveau, il ne suffit pas d’être convaincu de la pertinence d’une éthique de la modération – et du sevrage quand on est accro –, pour être capable de s’y conformer sur la durée. 

En philosophie morale, ce problème a, depuis l’Antiquité, un nom précis : l’acrasie (du grec akrasia, “impuissance”). Dans le Protagoras, où il défend l’idée que la raison commande à la volonté, Socrate va jusqu’à soutenir que l’homme ne peut pas faire autre chose que le bien, dès lors qu’il le connaît. C’est la thèse célèbre selon laquelle on fait le mal par ignorance du bien, que “personne ne fait le mal volontairement”. Ce à quoi Protagoras objecte que la plupart des hommes considèrent “qu’on a souvent beau savoir ce qu’il y a de meilleur, on ne veut pas le faire, bien qu’on le puisse, et on fait tout autre chose”. Pour Socrate, l’erreur consiste à se laisser vaincre par l’attrait du plaisir dans l’ignorance de ce qui est vraiment meilleur pour nous. Peut-être… Mais cette “erreur” est ce qui taraude tout ceux qui ne sont pas des héros de vertu. Et l’on ne se débarrasse pas de la faiblesse de la volonté d’un simple coup de baguette… philosophique. “Je vois le bien, je l’approuve, et je fais le mal”, écrira encore Ovide.

Face à l’appel du vin nature, qui resurgissait tous les soirs à l’heure de l’apéro, ma volonté tendait à être plus sensible à l’appel de la gastronomie (et de l’habitude) qu’aux réquisits de la santé. “Ce bon poisson que tu prépares depuis une heure mérite toute de même un petit verre de blanc, sans compter qu’après cette journée harassante au bureau, tu as mérité une petite pause, non ?” Comme ai-je résisté au petit diable de la tentation ? En externalisant le problème. Convaincu que je ne tiendrais pas tout seul, j’ai claironné autour de moi que je m’étais engagé dans ce défi. Plutôt que de me faire une promesse à moi-même, j’ai promis devant les autres. Et cela a tout changé. Pour Hannah Arendt, la promesse est un outil politique fondamental qui permet de surmonter l’imprévisibilité inhérente à l’action. Je suis convaincu qu’il est possible de faire un usage “sanitaire” de cette faculté. “Si l’homme est incapable de compter sur soi ou d’avoir foi en lui-même (ce qui est la même chose)”, écrit Arendt, la promesse lui permet de “garantir aujourd’hui qui il sera demain” et de “disposer ainsi de l’avenir comme s’il s’agissait du présent”. Dans les pas de Nietzsche, elle fait de la promesse “la mémoire de la volonté”.

C’est exactement ce que j’ai ressenti à chaque fois que j’étais tenté de briser mon Dry January. La promesse faite devant les autres à moi-même portait bien mieux la mémoire de ma volonté qu’une décision prise dans le soliloque de ma vie intérieure. Comme si j’étais obligé par les autres et pas seulement par moi-même. L’efficacité de la promesse nous fait toucher au “lien insoupçonné entre la fierté et la conscience morale”, précise Arendt. Je confirme. Bien plus que ma santé, qui s’accommode de mes excès, c’est mon orgueil qui m’a fait tenir. Aussi je ne prétends pas que cette recette vaille pour tous. »

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