Chromothripsie : à la découverte des tempêtes génétiques
Et si les modifications génétiques ne se produisaient pas de manière constante et régulière, comme le pensait Darwin ? C’est ce qu’affirment les auteurs d’une étude récente, qui met selon eux en évidence un phénomène de chromothripsie (de chromo-, couleur, dérivé du grec khrôma, χρῶμα, pour « chromosome », et thrúpsis, θρύψις, « briser ») : sans que les causes soient bien identifiées, de véritables « tempêtes génétiques » produiraient parfois « un remodelage important du génome non pas de façon progressive, par paliers successifs, mais brutalement, de façon saltatoire », résume l’anatomiste Audrey Rousseau. Une explication au cancer foudroyant. Mais aussi, peut-être, une invitation à revoir l’idée d’une évolution graduelle des espèces ?
Théorie gradualiste : un long fleuve tranquille
En biologie de l’évolution, le gradualisme reste l’approche la plus répandue – elle est au cœur de la théorie synthétique de l’évolution : puisque les mutations génétiques surviennent de manière aléatoire, le processus d’évolution des espèces doit être nécessairement lent, progressif et régulier. Comme l’écrivait déjà Charles Darwin dans L’Origine des espèces (1859) : « Comme la sélection naturelle n’agit qu’en accumulant des variations légères, successives et favorables, elle ne peut pas produire de modifications considérables ou subites ; elle ne peut agir qu’à pas lents et courts. » Une nouvelle espèce n’apparaît pas, en somme, du jour au lendemain.
Théories saltatoires : l’évolution par sauts
- Monstres prometteurs. Cette théorie a été développée dans les années 1930 par le généticien allemand Richard Goldschmidt, qui constatait l’absence de fossiles représentant des formes intermédiaires entre les espèces. À ses yeux, si les mutations s’opèrent bien de manière aléatoire et régulière, l’effet d’une seule d’entre elle n’est pas nécessairement minime. Une unique mutation peut avoir des répercussions considérables, au point de donner naissance à une nouvelle espèce. L’évolution morphologique des êtres vivants connaît donc, parfois, des accélérations.
- Évolution ponctuée. Niles Eldredge et Stephen Jay Gould ont développé cette approche anti-gradualiste dans un article de 1972, « Punctuated equilibrium : an alternative to phyletic gradualism » (en anglais). À leurs yeux, l’évolution est principalement discontinue. Comme l’écrit Gould : « Eldredge et moi-même avons soutenu que la vaste majorité des espèces naissent à l’issue d’une scission [qui] conduit à l’apparition d’une nouvelle espèce en un instant géologique, celles-ci persistant ensuite de façon prolongée ». L’explication est d’abord environnementale : la sélection naturelle produit les individus les plus adaptés à un milieu donné ; lorsque cet optimum est atteint, l’espèce se stabilise, l’évolution ralentit. Cependant, si les conditions d’existence se modifient brutalement, évoluer en s’écartant de l’ancien optimum devient de plus en plus avantageux. C’est le cas, par exemple, d’une espèce de lézard introduite sur l’île de Hrid Podmrčaru qui, en l’espace de 40 ans, a connu une évolution extrêmement rapide, au point de devenir majoritairement herbivore.
- Chromothripsie. Contrairement aux deux autres théories, la mise en évidence de la chromothripsie souligne la possibilité d’une accélération du processus de mutation génétique lui-même : les causes sont encore mal connues, mais il semble bien que de véritables « orages génétiques » puissent bouleverser le génome dans de larges proportions en un court intervalle de temps (à l’échelle d’une vie individuelle). Et peut-être donner naissance à de nouvelles formes de vies de manière très rapide ? « Un remodelage rapide du génome sous l’effet de la chromothripsie pourrait permettre une adaptation de la cellule à un environnement qui lui serait défavorable […] Un génome très remanié, chaotique, pourrait conférer un avantage de survie à la cellule, la rendant plus forte, plus résistante », explique en tout cas Audrey Rousseau. Une piste encore à explorer !
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