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© Alex Moiseev/Unsplash

C’est quoi votre petit (sur)nom ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 17 novembre 2022 3 min

Il y a quelques jours, alors qu’Octave Larmagnac-Matheron croyait son téléphone perdu, davantage dépité de son éparpillement que véritablement inquiet (la situation lui arrive souvent), il s’est mis à imaginer la drôle de mine que ferait un inconnu parcourant ses conversations. À côté des ordinaires Marie, Sophie ou Thomas, il tomberait, en fouillant un peu, sur quantité de sobriquets incongrus désignant ses interlocuteurs : Toucheur, Calou, Narmou, Tire-Lait et autres Cindy Façade…

 

« Je les aime tous, même ceux que nous usitons moins, désormais. Les surnoms témoignent pour moi d’une affection, d’une intimité dont j’ai l’impression d’éventer le secret au moment même où je commence d’en parler. Je vais pourtant en dire quelques mots.

Tous, bien sûr, ne sont pas de ma confection. Certains sont nés en mon absence. Même lorsque j’étais présent, il est souvent impossible de leur assigner une paternité. Le surnom n’est pas un patronyme, sa généalogie n’est pas claire. Soudain, il surgit dans la conversation, il “inter-vient” selon le mot du théoricien de la littérature Jean-Louis Bachellier. Le surnom est affaire de situation, de moment et de collectif. Il fait effraction, entre à l’improviste, et s’impose comme une évidence au groupe d’élus, comme un secret partagé qui en scelle l’alliance. Trop y réfléchir, c’est souvent l’assurance d’un surnom artificiel, qui ne fera pas long feu.

À quoi donc tient cette jubilation du surnom bien trouvé ? Peut-être d’abord à une insuffisance de l’état civil, incapable de dire qui nous sommes en propre. Ce prénom qu’on m’appose n’est jamais seulement le mien, d’autres le portent. Et ce nom de famille me reconduit à mes ancêtres. C’est par l’association de ces deux impropres que les autres me nommeront, mais ce deux semble manquer quelque chose de l’unité de ma personne.

Le surnom, au contraire, voudrait dire l’unité du singulier. “L’‘unicité nominale’”, écrit Derrida dans Glas (1974), “tend le nom, d’une seule pièce, vers le point ou l’infini. […] Le corps propre, sublime, glorieux se rassemble dans un vocable, sans organe.” Je comprends mieux mon aversion pour ces pseudo-surnoms faisant référence à un trait particulier “qui s’ajoute sans nécessité à la substance” : un caractère physique, une profession, un élément de personnalité ou un détail de l’histoire individuelle. L’épithète, souligne Bachellier, disloque en se cramponnant à une “petite chose détachée du corps propre, du corps total, objet partiel, bribe du corps textuel. Corps morcelé jamais reconstitué”. Le vrai surnom, qui vise l’essentiel par-delà la dislocation, emprunte plus souvent le chemin paradoxal du détail le plus insignifiant, du jeu purement sonore, de l’absurde, du sans rapport qui ne raconte rien de particulier et se contente de nommer.

Mais même l’hapax, vide de sens, qui voudrait dire uniquement l’unicité et échapper à la loi commune des mots, est exposé dès sa divulgation au risque d’une appropriation par d’autres. Le surnom, s’il veut déjouer la menace d’une “émajusculation qui menace toujours de se rouvrir” et de “supprime[r] à l’infini l’unicité dans le commun” (Derrida), devrait être tu. Mais il ne serait plus surnom. Le surnom, en somme, “convient et ne convient pas ; il est propre et toujours déjà impropre”, résume Bachellier. Il en faut plus d’un pour conjurer cette impropreté. “Un surnom en cache toujours un autre.” Ces surnoms qui se succèdent dérivent toujours un peu les uns des autres, et du nom originaire. Leur enchaînement évoque, je crois, moins une pluralité disparate d’instants que la trajectoire continuée d’une singularité se déployant dans l’espace-temps des amitiés, d’un moment unique d’assomption collective à l’autre. “Le surnom, c’est une histoire de récit.”

Signé : Bave. »

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