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Vie de l’esprit

“Certains mauvais rêves peuvent annoncer la maladie de Parkinson”

Isabelle Arnulf, propos recueillis par Charles Perragin publié le 22 février 2023 5 min

Une nouvelle façon d’interpréter les rêves ? De plus en plus d’études, comme celle parue début février dans la revue Scientific American, montrent un lien entre les rêves agités et l’apparition, quelques années plus tard, de la maladie de Parkinson. La neurologue Isabelle Arnulf, autrice d’Une fenêtre sur les rêves (Odile Jacob, 2014), nous éclaire.

 

Certains rêves permettraient de détecter très tôt des maladies neurodégénératives. Que disent les études ?

Isabelle Arnulf : Des cliniciens ont fait remonter que l’apparition de mauvais rêves pouvait annoncer, par exemple, la maladie de Parkinson. Nous avons énormément de témoignages de patients qui, avant d’être diagnostiqués, ont rapporté qu’ils s’étaient mis à rêver de façon récurrente qu’ils étaient menacés, souvent poursuivis par des humains ou des animaux. Ou alors qu’ils coursaient eux-mêmes leur agresseur pour l’éliminer. La manifestation de ces rêves en forme de films d’action violents est d’ailleurs assez troublante pour ceux qui se jugent plutôt calmes et pacifiques. La tentation a donc été grande de se dire que la maladie se manifestait dans les rêves avant d’apparaître en réalité… mais ce n’est pas vrai.

“Faire des cauchemars n'est pas ce qui annonce une dégénérescence ; c’est le fait de vivre ceux-ci physiquement en dormant” Isabelle Arnulf

 

Le rêve en soi n’est donc pas le symptôme ?

Ce que nous savons depuis une vingtaine d’années, c’est qu’une personne de plus de cinquante ans qui commence à avoir des cauchemars agités, à crier et se débattre pendant la nuit, a de grandes chances d’être affectée d’un trouble comportemental du sommeil paradoxal (TCSP). Or, ce trouble est souvent annonciateur de la maladie de Parkinson ou d’une maladie proche. Ce n’est pas le fait de faire des mauvais rêves qui annonce une neurodégénérescence ; c’est le fait de vivre les rêves physiquement tout en dormant. Nous avons tous dans notre tronc cérébral une zone qui s’active pendant la phase de sommeil paradoxal, celle où nous rêvons le plus, pour paralyser notre corps. Nos rêves restent dans notre tête et il n’y a presque pas de manifestation physique. Or, dans les cas de maladies comme Parkinson, cette zone est affectée (il y a une perte de neurones) entre sept et quinze ans avant les autres régions du cerveau. Par conséquent, c’est bien la perte de ce verrou et le fait que des personnes commencent à extérioriser leurs rêves qui annonce la maladie, pas le contenu des rêves en tant que tel.

 

Pourquoi les patients atteints d’une maladie neurodégénérative ont-ils l’impression de faire plus de rêves violents ?

Parce que les réveils permettent de mieux mémoriser nos rêves. Or, vous êtes plus susceptible de vous réveiller, vous ou la personne avec qui vous dormez, si vous vous mettez à vous débattre ou à crier. Il y a un biais de mémorisation parce que l’extériorisation des rêves violents est nécessairement plus violente. Il ne s’agit pas de somnambules qui, eux, ont les yeux ouverts et restent relativement habiles car ils mélangent leur rêve avec l’environnement de la chambre. Les patients dont je parle suivent le récit de leur rêve les yeux fermés en reproduisant tous les mouvements sur leur lit. Certains peuvent blesser leur conjoint ou se faire mal. Nous avons déjà eu des cas de fractures. Dernièrement, une patiente a perdu son œil en bondissant sur son armoire à glace. Nous aimerions que les personnes qui se mettent à faire des cauchemars agités consultent un neurologue ou un centre du sommeil au plus tôt. Ces recherches en neurologie sont trop récentes et, si ceux qui présentent ces TCSP consultent un psychiatre ou un psychologue, ils n’auront pas le bon diagnostic. Il ne faut pas attendre de se casser le bras !

“Nous aimerions que ceux qui se mettent à faire des cauchemars agités consultent un neurologue ou un centre du sommeil, sans attendre de se casser le bras !” Isabelle Arnulf

 

Vous avez par ailleurs montré qu’il n’y avait pas que des extériorisations violentes dans les cas de TCSP.

Pour démontrer ce biais de mémorisation des rêves violents, il a fallu mettre des caméras la nuit et observer les patients. Et là, nous avons tout vu : ils font des discours avec la gestuelle associée, ils chantent, fument, mangent, envoient des baisers, poussent leur chariot. Or, ces rêves ordinaires sont oubliés et jamais rapportés. En fin de compte, on note autant d’expressions de bonheur que de colère ou de peur pendant le sommeil sur le visage des personnes atteintes du TCSP. La conclusion est que les pièces de notre théâtre onirique ne changent pas ; nous ouvrons juste le rideau. Cela avait été déjà été montré par le neuroscientifique Michel Jouvet dans les années 1950. Il avait défait ce verrou neuronal qui paralyse pendant le sommeil paradoxal les chats pour observer leurs rêves : ils combattent, chassent et se toilettent les yeux fermés.

 

N’observe-t-on pas aussi beaucoup de rêves sexuels ?

N’en déplaise à Freud, nous n’observons presque pas de rêves sexuels en acte chez les êtres humains comme les chats. Cela avait d’ailleurs beaucoup étonné Jouvet. Dans les faits, le sommeil paradoxal n’a pas l’air d’être le moment de l’expression de nos désirs inconscients. En revanche, les rêves où nous sommes menacés, poursuivis ou exclus d’un groupe sont nombreux.

“Il y a un biais de mémorisation avec les mauvais rêves agités, dont les patients se souviennent mieux. Les rêves ordinaires sont oubliés et jamais rapportés” Isabelle Arnulf

 

Le trouble comportemental du sommeil paradoxal nous permet d’en savoir aussi davantage sur les rêves.

En particulier leur fonction. On cite très souvent Freud ou Lacan, mais Antti Revonsuo, psychologue et philosophe finlandais, est à l’origine d’une théorie très intéressante : la simulation de la menace. L’une des fonctions des rêves serait de simuler les menaces pour mieux y faire face dans le monde réel. Comme un entraînement. Beaucoup de témoignages vont dans ce sens : les femmes qui viennent d’accoucher rêvent que leur bébé tombe du lit, les étudiants rêvent qu’ils échouent à leur concours et s’en sortent finalement avec les meilleurs résultats…

 

Il apparaît même qu’un corps endormi peut devenir plus mobile et performant qu’à l’éveil. Vous avez mis au jour que des sujets parkinsoniens pouvaient bouger avec aisance en dormant alors qu’ils étaient très diminués la journée.

C’était très troublant. On pensait au début qu’il s’agissait d’expression de notre cerveau reptilien, de comportements automatiques de défense du cerveau. Puis quand nous avons observé un patient chanter Le plus Beau Tango du monde correctement alors qu’il avait du mal à parler la journée, nous nous sommes rendu compte que le cerveau pouvait réactiver des compétences acquises qui n’étaient pas engrammées dans notre cerveau défensif primitif. Plus généralement, des personnes très diminuées pendant l’éveil arrivent en effet à bouger avec aisance pendant le sommeil paradoxal lors des TCSP. Nous avons compris que le mouvement du patient était généré par un circuit moteur qui contourne les noyaux gris centraux atteints par la maladie de Parkinson. Ces noyaux prennent normalement en charge une partie de la motricité pendant l’éveil mais sont inactifs la nuit. Évidemment, nous aimerions pouvoir rétablir ce circuit la journée pour les malades. Cela montre en tout cas que le cerveau qui rêve peut retrouver seul certaines facultés sans médicaments.

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