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Le livre du jour

“Apprendre à voir”, d’Estelle Zhong Mengual

Octave Larmagnac-Matheron publié le 21 juin 2021 3 min

Que voit un urbain occidental lorsqu’il regarde une forêt ? Pas grand-chose, répond l’historienne de l’art Estelle Zhong Mengual : de la nature, sans doute, mais cette idée abstraite de nature nous rend inattentifs aux différentes essences d’arbres, de plantes, de fleurs, et aux relations qui se tissent entre tous les êtres. La faculté de voir n’est pas donnée, elle doit se cultiver – et nous en avons, malheureusement, bien peu l’occasion, tant les pratiques qui nous mettent en contact avec le vivant sont devenues exceptionnelles. Afin de réapprendre à voir le monde qui nous entoure, l’auteur propose un détour par l’histoire de la peinture de paysage, et par l’histoire naturelle. Deux disciplines qui, si elles ont été façonnées par notre vision occidentale du monde, ont pourtant introduit, dans cette cosmologie, une forme de subversion. 

 

  • Voir et voir. Le vivant nous entoure de toutes parts. Nos sciences ne cessent de le prendre comme objet. Nos arts ne cessent de s’en inspirer et de le dépeindre. Pourtant, nous, Occidentaux, ne savons pas (ou plus ?) le voir, affirme l’historienne de l’art Estelle Zhong Mengual, qui parle d’une véritable « crise de notre sensibilité au vivant ». Car en lieu et place des vivants, pris dans leur singularité, nous parlons plutôt d’une entité impersonnelle, et au fond abstraite : la nature. Pas si simple de voir vraiment les choses ! « Voir requiert l’association de deux types d’équipements : un équipement perceptif et un équipement mental, propre à la culture d’une époque. […] Notre œil ne perçoit jamais sans médiation, sans distinction, ce qui nous entoure. […] Voir le monde vivant s’apprend. […] C’est un muscle qui se travaille. » Le nôtre, en l’occurrence, aurait bien besoin d’être exercé !
  • Cosmologie et pratiques. « Le vivant est le parent pauvre de notre univers mental » : notre « ontologie naturaliste » nous pousse à ne voir la nature comme « ce qui est extérieur à l’humain, composé d’êtres définis avant tout comme de la matière, dépourvus d’intériorité et en ce sens inanimés. » Cette ontologie n’est pas, cependant, un bloc monolithique ou une « malédiction cosmologique » tombés du ciel : elle est le « fruit de pratiques quotidiennes » concrètes, de rapports (distendus, en ce qui nous concerne, mais beaucoup plus intimes dans d’autres civilisations) que les hommes entretiennent avec les vivants. Le naturalisme n’est pas une fatalité : il est possible de « travailler à enrichir notre culture du vivant. »
  • Peinture et histoire naturelle. Certaines de ces pratiques ont d’ailleurs existé en Occident, auxquelles Mengual consacre l’essentiel de son ouvrage : la « peinture de paysage » et « l’histoire naturelle ». Le choix de se tourner vers ces deux disciplines peut paraître, à première vue, étrange : elles sont, en général, considérées comme des « acteurs importants de l’instauration de la cosmologie naturaliste. » La peinture a « contribué à cristalliser [un] rapport distancié au monde vivant en le représentant comme se tenant devant nous. » De son côté, l’histoire naturelle, par son « activité de classification », a participé à la « “désanimation” du vivant. » Les choses sont, pourtant, plus complexes : car peintres comme scientifiques, s’ils ont été façonnés par l’emprise du naturalisme, ont bien été obligés de se confronter au vivant, de se tourner vers lui, de le questionner. Ils ont dû apprendre à le voir pour le dépeindre ou le penser. Ces deux pratiques « excèdent la cosmologie dans laquelle elles s’inscrivent. […] Elles font effraction dans un autre monde. »
  • Art et science. Le fait de les solliciter conjointement est, d’ailleurs, révélateur. « L’une appartient au domaine de l’art, l’autre au domaine des sciences. » On ne pourrait faire plus différents et opposés. Mais ce « grand partage de l’enchantement » lui-même est un avatar de la vision naturaliste du monde : il implique que « seule la science peut apporter des savoirs sur le monde vivant » – et, ce faisant, le grand partage entretient le mouvement d’objectivation du monde. À la science, le savoir ; à l’art, l’esthétique et la sensibilité. Il est temps, pour Mengual, de dépasser ce partage, car « un savoir transforme notre sensibilité » autant qu’« une sensibilité fine nous permet de comprendre mieux ».

 

Apprendre à voir. Le point de vue du vivant, d’Estelle Zhong Mengual, paraît ce mois-ci chez Actes Sud. 29€, disponible ici.

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