Anticapitalisme, des luttes à armes inégales ?
Philomag vous propose chaque semaine une sélection d’articles parus dans la presse française et étrangère, rassemblés autour d’une thématique commune. Des articles qui nous ont surpris, questionné, dérangé. L’occasion de découvrir de nouveaux points de vue sur le monde et les événements qui font l’actualité.
Cette semaine, un thème, l’anticapitalisme, qui soulève plusieurs questions : comment déconstruire le capitalisme aujourd’hui ? Faut-il adapter sa critique aux transformations qu’il a connues ? Comment promouvoir un monde qui tournerait le dos à sa logique ?
Nous vous présentons une sélection de textes choisis volontairement au sein de la mouvance anticapitaliste pour en sonder la diversité.
Jean Vioulac : “L’unité du capitalisme, du mathématisme et du machinisme est devenu manifeste à la fin du XXe siècle”
Qu’est-ce donc que le capitalisme ? Quel tournant majeur représente-t-il dans l’histoire de l’humanité ? « Le marxisme a ainsi le plus souvent réduit le capitalisme à la domination de la bourgeoisie », note le philosophe Jean Vioulac, auteur récemment d’Anarchéologie. Fragments hérétiques sur la catastrophe historique (PUF), dans un essai paru sur Le Grand Continent. Mais cette première définition par l’exploitation est réductrice : « Les rapports sociaux d’exploitation sont aussi anciens que l’Histoire elle-même : ils datent de la Révolution néolithique. » Alors, que se passe-t-il avec l’avènement du capitalisme ? Quelle est l’essence du capital ? Pour Vioulac, « le pouvoir du Capital » est « pouvoir de l’abstraction pure de la valeur que la circulation maintient en apesanteur, sans jamais la faire adhérer durablement à quelque réalité que ce soit ». Il marque « l’hégémonie de l’abstraction numérique » qui d’ailleurs « ne se cantonne pas à l’économie, puisqu’elle fonde le régime de vérité contemporain, défini par une science intégralement mathématisée ». Le capitalisme est un événement métaphysique, qui se déploie aujourd’hui dans une infrastructure, la cybernétique informatique.
Ljubodrag Simonović : “Le développement du capitalisme comme ordre de destruction impose la survie comme la question historique concrète la plus importante”
Le capitalisme est devenu « totalitaire », affirme le philosophe (et ancien basketteur) serbe Ljubodrag Simonović dans Modern Diplomacy. Au sens, littéral, d’un système englobant qui absorbe toute extériorité. La rengaine est connue : « Il n’y a pas d’alternative », « tous les “problèmes” peuvent être “surmontés” par le capitalisme » – y compris ceux qu’il a lui-même créé comme la crise climatique – « à travers le “perfectionnement” technologique »… Mais cette foi inconditionnelle occulte précisément le péril inédit qui nous fait face : le capitalisme est un « ordre de destruction ». « Compte tenu de l’intensité de la destruction capitaliste de la vie, toutes les questions se résument à une seule : que peut-on faire pour empêcher la destruction de l’humanité ? La seule pensée significative est de caractère existentiel, c’est-à-dire qu’elle crée la possibilité d’une pratique politique (changeante) qui empêchera la destruction du monde. »
Nathan J. Robinson : “Il est évidemment faux de dire que les capitalistes ne sont pas cupides”
Quel est l’affect fondamental du capitalisme, de l’individu capitaliste ? « La cupidité », répond l’essayiste américain Nathan J. Robinson dans Current Affairs. Et de s’en prendre à la rhétorique qui dédouane l’individu pour mieux critiquer le système : « Si votre patron réduit votre salaire, vous recevrez une explication concernant les “forces du marché”. » C’est sans doute en partie vrai, mais la pression du marché est insuffisante pour expliquer l’accumulation individuelle de richesse. « Les forces du marché ne constituent pas une explication de la raison pour laquelle un capitaliste aurait jamais besoin de maximiser ses propres profits. » Et de préciser, à la lumière de sa propre expérience de chef d’entreprise : « Il est parfaitement possible de démarrer une entreprise et de l’exploiter dans l’intérêt de la communauté sans l’utiliser pour faire fortune. »
Et aussi…
Alors que vient de s’achever le mois des fiertés LGBT, une expression a refait surface dans le débat public : le « woke capitalism », version contemporaine qui s’affiche plus en phase avec les questions de genre, de féminisme, mais aussi d’écologie, et plus généralement d’éthique. Un capitalisme « conscient » des problèmes sociaux qu’il contribue en partie à créer. À droite, certains défenseurs du capitalisme traditionnel s’en offusque… alors même que ce woke capitalism les sert très largement, analyse le spécialiste en technologie Carl Rhodes dans Independent Australia : « Tout ce bruit sur les entreprises woke ne gênera absolument pas ceux qui profitent des vastes inégalités que le capitalisme produit. Rien ne se passe qui puisse perturber leur richesse ou leurs privilèges indus. » Dans The Conversation, l’anthropologue Fanny Parise se penche, plus spécifiquement, sur le cas du « capitalisme éco-responsable ». Et souligne que l’appel à l’éco-responsabilité de chacun entretient, sans la contester, « l’injonction à la poursuite de la production-consommation ». « Le capitalisme responsable n’invente pas un nouveau monde, mais permet de faire perdurer l’ancien », tout en promettant « la transition socio-écologique au prix du moindre effort et par la consommation ». Un contre-feu qui occulte l’urgence d’une transformation radicale.
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