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Amia Srinivasan, professeur de théorie sociale et politique à l’université d’Oxford. © Suki Dhanda/The Guardian/Eyevine/Bureau233

Féminisme

Amia Srinivasan : “Il est dangereux de vouloir purifier obsessionnellement ses propres désirs, mais il est inévitable de s’interroger à leur sujet”

Amia Srinivasan, propos recueillis par Jana Glaese publié le 29 juin 2022 9 min

Son premier livre, The Right to Sex: Feminism in the Twenty-First Century (« Le Droit à la sexualité. Le féminisme au XXIe siècle », Macmillan Publishers, 2021, traduction prévue aux PUF) a fait grand bruit dans le monde anglo-saxon : aujourd’hui, Amia Srinivasan est sans conteste l’une des penseuses féministes qui montent. Entretien avec la native du Bahreïn, professeure en théorie sociale et politique à l’université d’Oxford.

 

Vous critiquez le recours à la loi pour traiter des problèmes de violences sexistes et sexuelles. Pourquoi ?

Amia Srinivasan : Ce que je critique, c’est le recours constant au droit pénal. Je m’inquiète de la façon dont il est devenu une sorte de réflexe chez les féministes, en particulier aux États-Unis et au Royaume-Uni, d’en appeler immédiatement au droit pénal sur toute question de violence ou de harcèlement à caractère sexuel. Quelque chose ne va pas dans le monde, que faisons-nous ? Nous le déclarons illégal. Il est naïf de croire que les lois ont un effet social automatique. Déclarer quelque chose d’illégal ne signifie pas qu’il disparaît. Dans les pays où le travail du sexe est illégal, il existe autant que là où il a été décriminalisé. Mais dans les pays où le travail du sexe est criminalisé, les femmes qui vendent des services sexuels pour survivre et nourrir leurs enfants ont des vies plus dures et plus dangereuses. La menace de la loi n’apporte qu’une satisfaction symbolique. Cela peut faire du bien de penser que le travail du sexe est aboli sur le plan légal. Cela peut aussi faire du bien de savoir que les hommes qui achètent des relations sexuelles commettent un crime. Cependant, ce recours au système judiciaire est davantage dommageable encore pour les travailleuses du sexe, qui restent les femmes les plus défavorisées de la société.

 

Pour quelles raison, davantage dommageable ?

Prenons les États-Unis, où le travail du sexe est largement criminalisé. Lorsque ces femmes, pour la plupart des migrantes pauvres, sont violées au travail, elles ne peuvent pas aller au commissariat – sinon leurs comptes seront bloqués, leurs enfants leur seront retirés et elles seront expulsées. La criminalisation de leur travail ne fait que rendre leur vie plus difficile. Le schéma se répète partout où l’État utilise la coercition pour lutter contre l’injustice entre les sexes.

“Le recours au droit pénal est devenu une sorte de réflexe chez les féministes, en particulier aux États-Unis et au Royaume-Uni” Amia Srinivasan

 

Quelle solution, si ce n’est pas le droit et la coercition ?

Le problème fondamental de la volonté de criminaliser l’injustice sexuelle est que cela détourne l’attention des véritables raisons pour lesquelles certaines femmes sont particulièrement exposées à la violence. Tant que nous emprisonnerons des hommes pour avoir acheté des relations sexuelles, nous n’avons pas besoin de nous demander pourquoi tant de femmes vendent des relations sexuelles pour survivre. Tant que nous mettrons des hommes en prison pour avoir battu leurs femmes, nous nous dispenserons de nous demander pourquoi la violence systématique contre les femmes est si courante parmi les hommes au chômage. Ou pourquoi les femmes trouvent si difficile de se séparer d’un partenaire violent. Les raisons sont multiples : manque d’argent, pas d’appartements abordables, pas de garderies ou d’écoles – autant de conditions sociales nécessaires pour échapper à une situation violente. Il n’y a pas de réponses faciles à ces problèmes, cependant. Même des améliorations économiques ne suffiraient pas à mettre fin à la violence à l’égard des femmes. Mais nous devons avant tout répondre aux besoins réels des femmes, plutôt que de nous contenter de l’illusion que nous pouvons résoudre le problème par la seule voie du droit.

Traduit par Octave Larmagnac-Matheron
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