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New York (États-Unis), le 11 septembre 2001. Les deux tours du World Trade Center en feu. Au premier plan : l’Empire State Building. © Marty Lederhandler/AP/SIPA

Société

11 Septembre, le nécessaire oubli

Jean-Marie Pottier publié le 11 septembre 2021 4 min

Un an, cinq ans, dix ans, vingt ans... Dans le ressac des commémorations des attentats du 11 Septembre, celles de ce mois de septembre 2021 prennent une signification particulière pour au moins deux raisons. Le retrait total des troupes américaines d’Afghanistan a remis sur le devant de l’actualité les conditions et le bilan des interventions américaines au Moyen-Orient depuis deux décennies. Et ce alors qu’une nouvelle génération de jeunes actifs et d’étudiants tout juste entrés dans l’âge adulte, sans même parler de leurs cadets, n’a aucun souvenir direct des attentats commis au World Trade Center, au Pentagone et en Pennsylvanie. Petit à petit, le 11 Septembre quitte la catégorie du souvenir direct pour celle de l’histoire, la mémoire spontanée s’estompe derrière la mémoire entretenue. Nous allons, en partie, l’oublier. Mais est-ce vraiment un problème ? Au moment du quinzième anniversaire des attentats, un essayiste américain, David Rieff, avait justement tenté de répondre à cette question dans un livre iconoclaste intitulé In Praise of Forgetting (Yale University Press, 2016), soit un « éloge de l’oubli ».

 

  • En ce vingtième anniversaire du 11 Septembre, le passage des générations et l’oubli des attentats préoccupent la presse américaine. Si l’on considère que ceux nés après 1996 n’ont a priori aucun souvenir de « première main » des attaques, c’est aujourd’hui le cas de près d’un tiers (!) des Américains. Pour eux, le 11 Septembre constitue « un genre de film en noir et blanc sur des événements survenus il y a longtemps, aux côtés de la guerre froide et de la guerre du Péloponnèse », selon cet article de The Atlantic (en anglais). Ils l’ont découvert dans les salles de classe et les livres d’histoire, comme l’explique à USA Today Ben Chang, un New-Yorkais de 21 ans : « La seule chose que j’en ai alors compris, c’est que des terroristes ont attaqué les tours jumelles, que beaucoup de gens sont morts et que cela a été un moment important de l’histoire américaine. »
  • Beaucoup craignent que cette mémoire, en devenant histoire, ne se calcifie, ou pire, cède place à l’oubli. Plus que jamais, « Never Forget » s’impose comme l’un des slogans des commémorations. Mais il comporte des ambiguïtés, tant l’événement est riche en dimensions et en interprétations : « Quand j’entends “n’oublions jamais” à propos du 11 Septembre, je me demande : “N’oublions jamais quoi ?”, glisse le chercheur en psychologie Charles B. Stone dans le New York Times. La réponse la plus exacte est probablement : n’oublions jamais qu’il s’est produit. »
  • Lors du quinzième anniversaire des attentats, l’historien Kevin M. Levin, dont une cousine fait partie des victimes, soulignait : « Le fossé entre ceux qui ont vécu ce jour et ceux qui ne l’ont pas vécu va continuer à se creuser à chaque date anniversaire. Mais il ne faut pas s’en lamenter ou tenter de ralentir ce processus. Il est inévitable et peut même constituer un résultat bienvenu. » À mesure que le souvenir direct de cette journée s’estompera, son analyse historique progressera, écrivait-il en citant l’exemple de la guerre de Sécession (1861-1865), dont la mémoire collective « est progressivement devenue plus détachée et théorique » après la disparition des générations qui l’ont traversée.
  • L’essayiste David Rieff développe un argument proche. Dans In Praise of Forgetting. Historical Memory and its Ironies, il met en regard deux aphorismes : « Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter » (du philosophe George Santayana) et sa réfutation ironique, « Ceux qui se souviennent du passé sont condamnés à le répéter, eux aussi » (du scénariste du film Full Metal Jacket Michael Herr). Sans plaider absolument pour « l’oubli et le pardon », il considère néanmoins qu’il est « sûrement tout sauf prématuré de se demander si la paix surviendra sans que notre société soit ouverte aux deux ». Cela est arrivé pour Pearl Harbor, rappelle-t-il : cette « date qui restera synonyme d’infamie », selon les mots de Franklin D. Roosevelt, vit toujours dans les livres d’histoire mais s’efface peu à peu de la mémoire des Américains, à la fois du point de vue de la précision historique mais aussi de l’animosité (quasi inexistante) à l’égard des Japonais que l’évocation de Pearl Harbor suscite.
  • Ainsi, l’oubli ne constitue pas forcément un « nihilisme civique ». Pour David Rieff, il est possible de reconnaître la valeur des traces historiques sans accorder un « laissez-passer moral » à la mémoire : « Et si, plutôt que conduire à la proclamation d’une perte de sens, une dose raisonnable d’oubli collectif était en fait la condition sine qua non d’une société paisible et respectable, et le souvenir une quête politiquement, socialement et moralement risquée ? » Une proposition qui peut passer pour une provocation, mais qui n’est pas sans évoquer ce que Nietzsche écrit à propos du passé : « Dans le plus petit comme dans le plus grand bonheur, il y a quelque chose qui fait que le bonheur est un bonheur : la possibilité d’oublier […], la faculté de sentir les choses, aussi longtemps que dure le bonheur, en dehors de toute perspective historique. » Oublier devient nécessaire pour vivre, c’est-à-dire pour ne pas être éternellement prisonnier du passé. 
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