Vivre la fin des temps
Une recension de Nicolas Tenaillon, publié le01_Agonie
La psychologue suisse Elisabeth Kübler-Ross distinguait cinq étapes pour expliquer comment un patient incurable réagit à l’annonce de sa mort prochaine. Peut-on élargir à la conscience sociale un tel diagnostic ? Convaincu que notre temps est apocalyptique, Slavoj Žižek le croit. Ce que nous vivons collectivement, ce serait selon lui : le déni des excès inouïs du capitalisme global (« la croissance explosive des divisions et exclusions sociales »), déni organisé par l’idéologie libérale ; la colère contre cette idéologie manifestée par la violence des fondamentalismes religieux ; le marchandage proposé par les fausses alternatives de gauche qui ne sont que des compromis avec le libéralisme ; la dépression face aux effets du système dominant, à savoir les catastrophes écologiques et la transformation génétique de l’homme ; enfin l’acceptation de la fatalité de ce processus que Žižek, lui, refuse.
02_Syncrétisme
Comment conceptualiser ce catastrophisme ? En compagnie d’Hegel et de Lacan, Žižek explore des champs aussi variés que la géopolitique, les faits divers, le cinéma, la science ou la théologie. Ainsi, le concept lacanien de « père-version » le conduit à comparer, dans son étude sur la dépression, deux versions du « père primitif ». Celle, protectrice, du capitaine von Trapp de La Mélodie du bonheur (1965), comédie musicale de Robert Wise, et celle, maléfique, de Joseph Fritzl, cet Autrichien incestueux arrêté en 2008, qui séquestrait les enfants qu’il avait eus avec sa propre fille. Ce rapprochement montre comment une figure actuelle et monstrueuse trouve sa préfiguration inversée et fictive dans un film à succès typique de l’idéologie hollywoodienne. La stratégie de Žižek ? Dialectiser l’éloigné, faire preuve d’audace pour dégager les formes actuelles de l’aliénation.
03_Renouveau ?
Parmi ces formes, l’auteur attaque le multiculturalisme qui, en affiliant le sujet à une communauté, l’empêche selon lui de s’élever à l’universel. Autre cible : la captation de la crise écologique par l’idéologie libérale. Pour Žižek, la survie de l’espèce passera d’abord par l’abolition du mode de production capitaliste – cause réelle mais inavouée des catastrophes naturelles. D’où la nécessité d’une reconquête de l’idéal communiste. Néanmoins, sa relecture de Marx lui fait percevoir dans le communisme une hypothèse culturelle plus qu’un mouvement révolutionnaire. Certes, Žižek n’exclut pas le recours à la violence, mais il insiste davantage sur la nécessité d’un « impitoyable travail d’autocritique ». Pour initier le « combat émancipateur », il faut commencer par rejeter « Dieu » ou « l’Histoire » qui aliènent le sujet en l’idéologisant.
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