Souvenirs de ma vie d’hôtel
Une recension de Arthur Dreyfus, publié lePremier paradoxe de la mémoire : pour se souvenir, il faut avoir oublié. Nul ne porte la somme entière de sa mémoire, comme Atlas porte le globe terrestre. L’homme absolument dépourvu de la faculté d’oublier imaginé par Nietzsche est d’abord un homme sans antériorité. Second paradoxe de la mémoire : en réveillant le passé, elle le rend aussitôt inaccessible. À la fois ressuscité… et tué derechef. Diable ! Faut-il abandonner l’espoir proustien de recouvrer un peu de temps à l’état pur ? Ce serait sans compter le dernier roman de Jacques Fieschi, qui fut scénariste de Pialat et de Sautet. Son point de départ est cinématographique : les obsèques d’une amie perdue de vue convoquent chez le narrateur un pan perdu de sa jeunesse. Mais la mémoire, outre ses paradoxes, a cette spécificité de fonctionner au touche-à-touche, tels les dominos. René Scheidegger, héros de ce récit, va ainsi régénérer sous les yeux émus ou troublés du lecteur la cartographie d’un triangle amicalo-amoureux qui évoquerait presque celui de Jules et Jim, en moins chiqué. En plus vrai.
Au fil d’une plume imbibée de saudade, la mémoire qui flanche renaît sans cacher ses cahots : « Je transcris en brodant sans doute… un numéro de téléphone, que j’ai longtemps su par cœur mais que j’ai oublié… » Ni compléter chaque phrase : « Et j’ai marché dans les rues de ». Jusqu’à cette distinction passionnante entre l’oubli et le non-savoir : « Son bateau dont le nom m’échappait, à moins qu’il ne me l’ait pas dit. » Il faut dire que René est un enfant de l’effacement : on l’a informé du décès de son père « bien après la date ». Quant à sa mère âgée, elle le « reconnaît rarement ». Il l’admet lui-même : « Je regarde la vie des autres, comme si la mienne était finie. » Et tout aurait pu flotter sine die dans cette buée, si les ombres de Jean-Mi et Catherine, Bonnie & Clyde de ce trio juvénile, n’étaient pas remontées, avec leur lot d’épiphanies : premier amour déçu, première marginalité, premier sentiment d’éternité. Alors, la lumière revient : « Un sourire m’a échappé. Pas un sourire amusé ou attendri, plutôt un déclic immaîtrisé, comme si on avait brusquement allumé l’électricité dans une cave obscure. » Elle laissera pour trace la beauté fulgurante d’une langue : « Il advient le moment où ce qui était flou, indistinct, se précise, trouve ses contours, se reconnaît, se parle, où ce qui vivait à l’intérieur se révèle au jour, quand le désir amoureux dans son invasion, nous amène à cet autre état de nous-mêmes. » La vraie madeleine est un cœur content.
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