Second manifeste pour la philosophie
Une recension de Nicolas Truong, publié leLe poison s’est répandu dans la maison. L’opinion, contre laquelle luttait Platon, infeste à nouveau la raison. Au pays des sondages et des horoscopes, la vérité est semblable à l’illusion, déplore Jacques Bouveresse, face à la caméra de Gilles L’Hôte. Avec l’avènement de la démocratie planétaire, sa religion des droits de l’homme et son régime « capitalo-parlementaire », « il est difficile de s’en prendre à l’opinion, comme cependant depuis Platon, il semble que ce soit le devoir de toute philosophie », constate Alain Badiou dans son Second manifeste pour la philosophie.
Il s’est même trouvé des philosophes, tels Richard Rorty (1931-2007), bien décidés à « renoncer à l’idée de vérité », rappelle Bouveresse dans son cours télévisé. Ainsi, la fameuse phrase de Nietzsche, « il n’y a pas de faits, juste des interprétations », ne cesse de projeter son ombre sur notre rapport à la véracité. Contre cette idée, Bouveresse réaffirme que la vérité n’est pas soumise aux aléas de l’opinion. Aussi nous invite-t-il à pratiquer « l’autodéfense intellectuelle » face à la consécration médiatique de ceux qui transforment les opinions en concepts. Ainsi Badiou déclare-t-il urgent de « démoraliser la philosophie » face à ces « paladins médiatiques » pour qui « il faut être gentil et démocrate plutôt que méchant et totalitaire » – évidence qui ne saurait tenir lieu de pensée.
Différents, voire divergents, il n’est pas étonnant que Badiou et Bouveresse se retrouvent dans cette dénonciation de l’emprise de l’opinion. Il y a une vingtaine d’années, tous deux avaient résisté à la mort annoncée de la philosophie. C’était l’époque où l’on sonnait la fin des « grands récits » et des concepts à majuscules – Patrie, Prolétariat, Progrès. C’était l’ère du soupçon généralisé envers une culture qui n’avait pas empêché Auschwitz. Dans son premier Manifeste pour la philosophie (1989), Badiou voulait « soustraire la philosophie du pathos de la fin ». Avec Le Philosophe chez les autophages (1984), Bouveresse cherchait, dans le sillage de Wittgenstein, à maintenir les conditions de la « recherche de la vérité ». À l’aide d’un « platonisme sophistiqué » (Badiou) et d’un « rationalisme satirique » (Bouveresse), ces deux empêcheurs de penser en rond réaffirment la nécessité du vrai face au relativisme généralisé. À une différence près. Pour le premier, c’est à la « propagande » démocratique que la philosophie doit s’attaquer, comme le fit Platon, au nom d’un « communisme de l’Idée ». Pour le second, le développement de « la sensibilité à la vérité » serait au contraire un « ingrédient essentiel » d’une vie démocratique soustraite à la tyrannie médiatique. À chacun, comme disait Rimbaud, de choisir entre ces deux « révoltes logiques »
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