Petite philosophie de la chirurgie
Une recension de Marion Rousset, publié leQuelle révolution a connue la chirurgie ?
Depuis une vingtaine d’années, on est capable de faire de tout petits trous dans lesquels on introduit une caméra qui donne une vue panoramique de l’intérieur du corps. Cette technique chirurgicale, dite mini-invasive, est infiniment moins agressive que celle qui consiste à ouvrir pour tirer les organes à soi. Son utilisation à distance est à l’état expérimental. Le chirurgien peut commander de loin les bras d’un robot fixés sur les tubes creux qui pénètrent dans l’organisme du malade. Mais qu’il soit à trois mètres, derrière une console ou à six mille kilomètres, c’est toujours lui qui contrôle le robot. Seuls quelques gestes répétitifs peuvent être exécutés à l’aide d’un logiciel, sans intervention humaine.
Quelles sont les implications philosophiques d’un tel bouleversement ?
La possibilité d’opérer à distance transforme la façon dont le chirurgien ressent les gestes qu’il effectue. Des mécanismes très sophistiqués tentent de reproduire le sens du toucher, mais c’est quand même le robot qui tient les pinces ! Le danger, c’est que la vue prenne le dessus sur tous les autres sens. On est entré dans l’ère de la « pulsion scopique » décrite par Freud : aujourd’hui, l’œil humain absorbe quantité d’images, zappe de l’une à l’autre, sans faire le tri. Cette révolution technologique s’inscrit dans une société du temps réel : un geste commandé à des kilomètres est réalisé dans le millième de seconde qui suit. Mais il ne tient pas compte du temps de la vie humaine qui se compose de moments dilatés par l’imagination et le ressenti. Le chirurgien qui opère à distance se trouve ainsi réduit à un rôle de technicien.
Face à cette évolution, vous prônez une éthique du chirurgien. Quelle est sa particularité ?
Le chirurgien est un manuel : il coupe, il opère. Notre geste est porteur de mort en même temps que de vie. Or ce n’est pas parce qu’une opération est parfaitement réussie que les suites opératoires seront simples, et inversement. Le moral du malade compte énormément. Si le chirurgien ne lui parle pas, ne le touche pas, ne lui infuse pas un peu de goût pour la vie, le patient perdra là où il aurait pu gagner. De ce point de vue, la possibilité d’opérer à distance peut avoir des conséquences néfastes. Autrefois, on voyait nos malades avant de les opérer, on était à leur côté pendant l’acte et on les suivait en postopératoire. Les échanges par vidéoconférence ne remplaceront pas ce contact direct. Face aux progrès en cours, le chirurgien doit donc plus que jamais conjuguer une appétence pour la science et une certaine raison dans le geste.
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