L’Inconscient des animaux

Une recension de Octave Larmagnac-Matheron, publié le

Et vous, emmèneriez-vous votre chien chez le psy ? L’idée, aujourd’hui souvent moquée à mesure que se développent les formes de thérapie animale, est peut-être moins saugrenue qu’il n’y paraît. Freud lui-même, lorsqu’il analyse l’appareil psychique humain, écrit : « Ce schéma général […] est valable aussi pour les animaux supérieurs. […] Il convient d’admettre l’existence d’un surmoi partout où, comme chez l’homme, l’être a dû subir, dans son enfance, une assez longue dépendance. » C’est dans cette voie que s’engouffre Florence Burgat avec cet ouvrage, parfois technique mais toujours passionnant. Pour la philosophe, il importe de se départir de l’idée d’une vie animale qui serait gouvernée par des mécanismes purement physiologiques. Même lorsqu’on la rabat sur des dynamiques biologiques, ce « fond instinctuel » n’a de sens que s’il est conçu avec une certaine profondeur d’intériorité, comme un psychisme peut-être aveugle mais capable d’emmagasiner des expériences. « L’inconscient biologique constituerait alors le fond abyssal de leurs comportements si mystérieux » (ceux des animaux). C’est seulement depuis ce fond abyssal qu’il faut envisager l’avènement de quelque chose comme une conscience, qui émerge au fil d’une histoire évolutive indissociablement physiologique et psychique. La conscience est structurée par un « héritage archaïque » de traumas et de refoulements immémoriaux survenus bien en amont de l’individu, qui rendent possible, dans certaines branches de l’évolution, l’avènement progressif d’un surmoi réprimant les pulsions du ça. Le « conflit » des instances psychiques ouvre comme une brèche où peut se déployer un moi – y compris chez beaucoup d’animaux non humains. « La vie égologique des mammifères et des oiseaux ne fait pas de doute. » Ce moi, comme celui de l’humain, peut être affecté de pathologies. « Les manuels de zoopsychiatrie décrivent les états de stress post-traumatique ; […] les dépressions aiguës ou chroniques ; […] les phobies ; les troubles compulsifs », etc. « Les animaux n’ont pas besoin de parler pour exprimer […] leur effondrement. L’existence en eux se recroqueville. » Une invitation à prendre en considération la souffrance psychique des bêtes.

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