Leur enfance 

Une recension de Catherine Portevin, publié le

« Leur enfance commence et la mienne vient de se terminer pour toujours », s’est dit Vincent Delecroix en tenant dans ses bras ses jumeaux nouveau-nés. C’était faux, reconnaît le philosophe, car la nouveauté que porte la naissance bouleverse tout ordre ancien et fait des pères des fils tout aussi bien que l’inverse. C’est donc en se méfiant de deux écueils qu’il tente d’approcher l’enfance. Le premier est d’y chercher la trace de son propre passé ; le second d’y voir la promesse de ce qui sera. Tout discours est « noyé entre la mémoire et l’anticipation », entre l’enfance en tant que pensée des origines et en tant que devenir autre chose, progrès « en attente de l’être ». Delecroix préfère penser la naissance comme « un processus continu et non un événement » et l’enfance comme un état qui n’a pas de fin (ni finalité ni borne). Ces quelques réflexions savamment posées, le philosophe entreprend alors d’approcher modestement « leur » enfance. Ce regard rêveur de son fils, cette agilité de sa fille fonçant vers la mer à quatre pattes, cette tour de Kapla montée jusqu’à l’effondrement et ces pages de livres déchirées et mangées jusqu’à plus faim, lui donnent des choses à penser. C’est ainsi qu’il tente de vivre avec eux dans l’enfance.

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