Le problème Spinoza

Une recension de Pierre Péju, publié le

Voici un roman qui entend reposer quelques questions décisives. Le spinozisme : un remède à la bêtise ? L’antisémitisme : une pathologie curable dans certaines conditions ? La psychanalyse : une libération individuelle, dans la continuité de la pensée de Spinoza ? L’auteur, Irvin Yalom, est psychothérapeute et s’est fait un nom dans la fiction (avec Et Nietzsche a pleuré et La Malédiction du chat hongrois, parus au Livre de poche). Sa trouvaille romanesque ? Raconter alternativement les biographies de deux êtres que tout sépare : Baruch Spinoza que l’on suit dans sa vie quotidienne, mais surtout dans l’exposé dramatisé de sa philosophie (présentée comme rationalisme athée et sagesse moderne) ; et l’idéologue nazi Alfred Rosenberg, raciste obsédé et responsable de massacres de populations juives. Individu médiocre et buté, il est hanté par Spinoza depuis son enfance au collège où il a appris que Goethe, le plus grand écrivain et le « plus pur Allemand », considérait l’auteur de l’Éthique, d’origine juive, comme un génie universel. Il rédige pour Hitler des traités confus sur la supériorité de la race aryenne, tandis que Spinoza reste une écharde plantée dans sa cervelle. Il se montre incapable de « penser » au sens où Hannah Arendt employait ce mot, et sa fascination devient vite souffrance puis maladie mentale. Yalom a introduit dans son récit érudit deux personnages fictifs : un jeune homme inquiet qui questionne et stimule Spinoza. Et un médecin, adepte des thèses freudiennes (!), qui pousse Rosenberg dans ses retranchements. Le croisement de ces deux destins, l’un lumineux, l’autre criminel, que Yalom oppose de façon très (trop ?) frontale, invite finalement à une méditation sur la personnalité envoûtante de Spinoza. 

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