Faber: Le destructeur

Une recension de Philippe Garnier, publié le

Que faire quand la société ne tient plus ses promesses d’émancipation ? L’insurrection a-t-elle encore un sens ? Comment la protéger de sa part narcissique et dévastatrice ? Telles sont les questions qui courent tout au long de Faber. Dans l’enfance et l’adolescence, Madeleine et Basile ont subi l’ascendant irrésistible du jeune Mehdi, alias Faber, orphelin surdoué élevé à l’assistance publique. Protecteur et manipulateur d’une précocité inquiétante, Faber a lentement consolidé son emprise sur ses condisciples et leur famille. Attiré par l’ultragauche, meneur de grève lycéenne, justicier et meurtrier, il se retrouve happé par l’aventure politique radicale. Mais la violence qui sourd en lui n’est pas tant liée à l’idéologie qu’à une sorte d’ascèse négative, autodestructrice.

Figure à la fois messianique et démoniaque, quelque part entre Thomas l’obscur de Maurice Blanchot et Netchaïev, le terroriste russe qui inspira les Possédés de Dostoïevski, Faber ne se réduit pas à un personnage de notre actualité. Dans la platitude du paysage urbain, dans les méandres désenchantés du lien amoureux, Tristan Garcia excelle à nous faire toucher du doigt un univers sans rédemption possible. Un monde d’extinction lente où le temps des prophètes n’est pas encore venu. Ne reste alors que la fascination d’une intelligence hors norme, aussi profondément hantée que banalement paranoïaque, racontée de l’intérieur dans un vide qui ne cesse de croître.

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