Être écologique

Une recension de Octave Larmagnac-Matheron, publié le

Vous tenez dans vos mains un livre « inutile » – c’est son auteur, Timothy Morton, qui le dit ! « Il ne contient aucun fait. » Un ovni malicieux dans le monde des livres sur l’écologie, où le « dépotoir d’informations confuses » et surabondantes est devenu une figure de style. C’est précisément cette manière d’accumuler les faits jusqu’à l’écœurement pour mieux culpabiliser le quidam que l’auteur interroge. « Nous essayons de créer une bulle de peur anticipatoire […] qui enveloppera le traumatisme brut de terreur. » De l’effondrement à venir, nous voulons tout dire, tout savoir, pour mieux l’apprivoiser. Nous mettons en scène son imminence pour le conjurer. La crise, pourtant, est déjà là : « C’est comme si la fin du monde avait déjà eu lieu. » Nous n’éprouvons pas d’angoisse, nous sommes en proie à un « syndrome de stress post-traumatique ». Être écologique, dans ces conditions, consiste à assumer le trauma, pour le transmuer en libération. « Nous n’avons pas besoin de nous accrocher au fantasme de notre chère vie, au fantasme de l’anthropocentrisme, imprécis et violent. » La crise est l’occasion de renouer avec la simplicité d’une vérité que nous nous sommes efforcés d’occulter pendant des siècles en nous repliant toujours plus sur nous-mêmes : « Vous êtes déjà un être symbiotique enchevêtré avec d’autres êtres symbiotiques. […] Vous respirez de l’air, votre microbiome bactérien bourdonne, l’évolution se déroule silencieusement en arrière-plan. » Nous n’avons pas à devenir écologiques, seulement à réaliser que nous le sommes déjà.

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