Epitre sur l'intellect (l' ) al-risala fi-l-aql

Une recension de Noémie Issan-Benchimol, publié le

La figure tutélaire d’Al-Fârâbî (872-950), philosophe d’origine persane ou turque, formé auprès des aristotéliciens chrétiens de Bagdad, a plané sur la philosophie arabo-musulmane du Moyen Âge. Pourtant, Al-Fârâbî ne fut pas un penseur de l’islam cherchant, comme Averroès, à concilier charia (loi révélée) et fitra (raison naturelle). Il fut plutôt une sorte de Platon médiéval, visant à mettre en œuvre politiquement ce que la métaphysique permet individuellement grâce à l’acquisition de la connaissance : l’immortalité de l’âme. Selon Philippe Vallat, qui signe une substantielle présentation et analyse de l’Épître, Al-Fârâbî, n’ayant que mépris pour la charia et le kalam (la théologie rationnelle musulmane), n’a pas pu, comme cela lui est souvent attribué, identifier le philosophe-roi d’inspiration platonicienne au prophète historique. Pour lui, c’est le philosophe-roi qu’il faut grimer en prophète, et non l’inverse.

Cette Épître sur l’intellect, loin de n’être qu’un simple commentaire de la noétique (philosophie de la pensée) d’Aristote, peut se lire comme un condensé du système et du style d’Al-Fârâbî. À partir d’une question – qu’est-ce qu’être aqil (intelligent) ? –, il déroule un texte « en forme de test de sélection pour ceux qui étaient capables et désireux d’en apprendre plus », la difficulté allant croissante, l’écriture se faisant elliptique, jusqu’à atteindre ses dimensions métaphysiques, cosmiques et politiques. En se faisant « intellect acquis », l’homme devient, pour les substances qui lui sont inférieures, l’analogue de la cause première, l’un des principes ultimes de la réalité selon Aristote.

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